L’énigme du retour, Dany Laferrière

J’ai déjà parlé ici des livres de Dany Laferrière à plusieurs reprises. J’ai acheté L’énigme du retour peu de temps après sa sortie quand je vivais à Montréal et je l’ai emmené dans mes bagages sans l’avoir ouvert jusqu’à maintenant. Je ne sais pas dire exactement pourquoi. La peur d’être déçu par un livre acclamé par la critique et les lecteurs (L’énigme du retour a remporté le prix Medicis en 2009, le grand prix de la ville de Montréal la même année ainsi que le prix des libraires du Québec en 2010) ? La réticence d’aborder le thème du retour au pays alors que je faisais moi-même un retour en France ? Sans doute de mauvaises raisons qui ne valent plus en 2014 et qui font que j’ai entrepris la lecture de ce roman.

enigme-du-retour-laferrière

Le narrateur de ce roman autofictionnel est de retour en Haïti après 35 ans d’exil. Ce retour au pays natal est déclenché le décès de son père qui vivait lui aussi en exil mais à New-York. Le narrateur va annoncer ce décès à sa mère restée au pays. Plusieurs décennie d’exil ont modifié sa personnalité : d’Haïtien pur sucre, il est devenu par la force des choses habitué à la vie dans le froid de l’hiver québécois. ce retour au pays est l’occasion d’une redécouverte de son pays, de son enfance et de ce qui l’a façonné comme adulte.

Ce livre n’est pas tout à fait un roman. C’est une autofiction qui pourrait mériter qu’on la considère comme un épisode autobiographique. L’énigme du retour tient aussi de la poésie : il est émaillé de nombreux haïkus qui donnent un relief additionnel et une musicalité propre  à un ouvrage déjà riche en sensations et en couleurs.

Dany Laferrière propose avec ce livre  une réflexion sur Haïti, sur ce que ce pays a été et ce qu’il est devenu. Le temps passe mais les choses ne changent pas pour un peuple haïtien vivant dans la pauvreté avec un exode rural toujours plus fort et des villes contrôlées par des bandes armées. La riche culture haïtienne est elle aussi toujours là, c’est un repère pour ce narrateur qui confronte ses souvenirs à la réalité d’Haïti aujourd’hui. Quelle est son identité auprès des siens après des décennies d’exil où il a vécu des choses très différentes de ceux qui sont restés ?

La beauté et la qualité de l’énigme du retour réside dans le fait qu’on lit un parcours très personnel qui est de fait très éloigné de ce que n’importe quel lecteur peut bien vivre. Et pourtant ce récit possède une porté universelle car les questionnements qu’il propose sur l’identité, l’enfance, la relation à la famille… tout cela vient toucher le lecteur dans sa personne. Il suffit de se laisser porter et de savourer lentement le beau texte de Dany Laferrière. Je recommande chaudement, évidemment.

 

Les autres livres de Dany Laferrière mentionnés sur ce blogue :

3 réflexions au sujet de « L’énigme du retour, Dany Laferrière »

  1. Oui, oui, dans le mil, Philippe ! La magie de cette lecture, c’est l’équilibre entre le parcours très personnel et sa portée universelle. Autant le parcours est personnel, autant sa portée est universelle. Une recette, peut-être. Mais il faut les ingrédients, pas toujours à la portée de mains, et surtout être un grand chef.

    Cela m’a pris du temps avant de me décider à le lire moi aussi. Un genre de pression m’en empêchait. Je l’ai un peu moins aimé que je l’escomptais mais je l’ai tout de même aimé. Ah, les attentes …

    J’aime

    1. Comme quoi on ne se rend pas service en se créant des attentes. Maintenant j’ai appris et j’essaie de ne pas en lire trop sur un livre avant de me plonger dedans. J’évite les interviews d’auteur et de multiplier les lectures de critiques si je sais que je vais lire un livre. Seule exception c’est quand je lis des classiques où il est parfois important de bien connaître le contexte de l’époque.

      J’aime

Laisser un commentaire