Pélagie-la-Charrette, Antonine Maillet

Ce livre a été écrit par Antonine Maillet, une auteur (ou plutôt auteure comme on aime à l’écrire ici) canadienne mais avant tout acadienne. J’ai appris dans la préface que ce livre a reçu le prix Goncourt en 1979. C’est le premier Goncourt que je lis il me semble. Et parlant de première, Pélagie-la-Charrette est le premier roman étranger à avoir reçu le fameux prix littéraire.

Pélagie-la-Charrette est le nom de l’héroïne du roman. Elle s’appelle Pélagie. C’est une Acadienne qui a subi le Grand Dérangement de 1755. Déportée en Géorgie, elle entreprend 15 ans plus tard de retrouver son Acadie natale, située à quelques milliers de kilomètres au nord. Elle emmène avec elle un petit groupe d’Acadiens qui comme elle souhaitent retourner vivre sur la terre de leurs ancêtres. Et comme il n’y avait ni avion ni voiture à l’époque, le voyage va s’effectuer sur des charrettes tirées par des bœufs, d’où le surnom de Pélagie-la-Charrette.
Le petit groupe va grossir, faire des rencontres, passer par des aventures plus ou moins heureuses mais surtout les Acadiens séparés depuis plus de 15 ans vont se retrouver en tant que peuple.

Ce roman m’a fait sortir de mes habitudes à plusieurs titres.

D’abord la langue, le français, celui des Acadiens. Qui plus est des Acadiens du 18ième siècle. C’est tout un défi pour le lecteur français contemporain : que peuvent bien vouloir dire des mots comme basir, dumeshui, hucher, maçoune ? En plus des mots, ce sont les tournures de phrase qui sont peu familières. Le français de l’Acadie est lui-même différent du français parlé au Québec. J’ai eu un peu de mal à accrocher au début car j’ai été déstabilisé par le texte. Mais j’ai compris le sens des mots suivant le contexte et je me suis ensuite laissé porter par le récit.

Ensuite ce qui m’a plu c’est l’Histoire, avec un grand H celle-là. Celle qu’on a oubliée en France et qu’on n’enseigne pas. Celle de la présence française en Amérique du Nord et celle des peuples francophones d’Amérique. Le roman nous fait connaître le triste sort des Acadiens, déportés de leurs terres par les troupes du roi d’Angleterre. On y croise aussi les Américains qui n’aiment pas vraiment les Acadiens catholiques, en particulier les protestants de Boston qui ont disputé aux Acadiens les eaux poissonneuses de l’Atlantique au large du Maine et de la Nouvelle-Écosse. Comme le retour au pays dure quelques années (ben oui la charrette c’est pas une fusée), on voit également en trame de fond la vie aux Etats-Unis à l’époque avec ses marchés aux esclaves dans le sud, la nouvelle qui se répand de la Boston Tea Party et de la proclamation de l’indépendance américaine à Philadelphie. Mais aussi la rivalité avec les Anglais et les relations avec ceux qu’on n’appelle pas encore les Amérindiens mais les Sauvages.

Enfin et surtout le périple des hommes et des femmes décrit dans ce livre est passionnant. On fait connaissance avec une communauté tricotée serrée avec ses coutumes, ses croyances. Les personnages réellement attachants. C’est un plaisir de les suivre.

Si vous avez le goût d’être dépaysé, lisez Pélagie-la-Charrette. C’est un beau voyage qui vous attend.


Ma note : 5/5.

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