Voilà une lecture qui m’aura occupé un certain temps.
Jusqu’à ce que je lise Don Quichotte, ce personnage était pour moi un chevalier espagnol qui combattait des moulins à vent pensant qu’il avait affaire à des géants. Mais ce passage n’est qu’un court épisode dans un roman riche en événements. Il est d’ailleurs présenté comme une des premières aventures de Don Quichotte.

Ce livre relate l’épopée d’un fou et d’un idiot. Don Quichotte se prend pour un chevalier errant, comme ceux qu’il a l’habitude de cotoyer dans les romans de chevalerie qu’il lit. Il décide de battre la campagne espagnole à la recherche d’aventures qui pourraient rehausser sa renommée comme chevalier. Flanqué d’un paysan qu’il a recruté comme écuyer, Sancho Panza, et perché sur un canasson nommé Rossinante, il affirme faire le bien pour que sa promise, Dulcinée du Toboso, le considère comme digne de devenir son époux. Or cette Dulcinée est une paysanne qu’il n’a jamais vu et qui ignore tout de son existence. Ces aventures qui ne manquent pas d’arriver à Don Quichotte se retournent souvent contre lui : quand il ne fait pas plus de mal que de bien aux personnes qu’il veut aider, lui et Sancho se font battre très sévèrement. Mais Don Quichotte, auto-proclamé Chevalier à la Triste Mine puis Chevalier aux Lions, se considère comme victime d’enchanteurs plutôt que d’admettre qu’il est fou. Rien ne l’empêche d’aller de l’avant dans sa quête du bien et de la justice. Don Quichotte est un idéaliste envers et contre tout, ce qui donne le prétexte à de nombreuses scènes où il se ridiculise.
L e récit est livré au lecteur par un narrateur qui lit le compte-rendu d’un certain Sidi Hamet Ben Engeli, historien musulman fictif qui a soit-disant reconstruit la vie de Don Quichotte (un bel exemple de métafiction). Les mises en abyme sont multiples : le texte comporte deux ou trois nouvelles qui, apparemment sans rapport avec Don Quichotte, sont le prétexte à de nouvelles aventures. Ces digressions sont intéressantes car elles présentent une certaine vision de l’amour, un préromantisme qui veut que malgré les conventions sociales, un homme et une femme qui s’aiment finissent unis. Mais même si le roman est riche en rebondissements, il est franchement ennuyeux par moments. Je pense en particulier aux débats sur les livres de chevalerie, leur valeurs et l’existence même de ces chevaliers. Le roman est long : le deuxième tome est de trop. Je l’ai beaucoup moins aimé car le ton y est très différent du premier. Dans le tome I, le personnage principal est simplement ridicule en raison de l’opposition constante entre la réalité et sa lubie d’être un chevalier errant. Et même quand le curé et le barbier de son village le trompent pour l’aider, ils sont bien intentionnés. Mais dans le tome II, le duc et la duchesse trompent Don Quichotte pour se moquer de lui et de Sancho. Le personnage n’est plus ridicule, il est sympathique. Cervantès, par ce deuxième tome qui est paru plusieurs années après le premier, veut contrer le travail d’un plagiaire qui s’était approprié ses personnages en écrivant une suite à ses aventures. D’ailleurs Cervantès fait mourir son personnage à la fin du roman afin que personne n’ait la tentation d’exploiter sa renommée.
Le personnage de Don Quichotte est vraiment incroyable. Il est bien évidemment fou mais seulement en ce qui concerne la chevalerie. C’est un esprit clair et plein de bons sens sur tous les autres sujets. Je ne peux pas s’empêcher d’avoir une certaine tendresse pour lui malgré sa folie. Il affirme le droit au rêve et à l’utopie. J’envie Don Quichotte car il est sûr de lui et convaincu du bien fondé de ses actions. Son code moral, aussi anachronique qu’il soit, a le mérite de rappeler certains principes. Reste que Don Quichotte et Sancho Panza sont deux imbéciles heureux qui se sont bien trouvés.
Je termine ce commentaire par quelques mots d’Henry de Montherlant qui signe l’introduction à l’édition que j’ai eue entre les mains. Cette citation pourra servir de guide à ceux qui comme moi ne savent pas toujours comment aborder un classique de la littérature.
« Les esprits neufs qui prennent contact avec les oeuvres dites classiques doivent être mis en garde contre deux attitudes : le dénigrement systématique et surtout le respect systématique. (…) Si l’on étendait cette remarque à toutes les oeuvres littéraires, au lieu de se restreindre aux oeuvres dites classiques, on ajouterait : le silence systématique. (…) Le silence systématique est l’ambroisie des confrères. Le dénigrement systématique est le mousseux des journalistes. Le respect systématique est le pain des professeurs. »