10 ans de blog littéraire : les livres que vous avez lus (et vous avez bien fait)

Vous me pardonnerez ce raccourci mais je vais considérer que les articles les plus consultés de ce blog correspondent aux livres que vous avez lus. C’est une manière de revenir sur les articles qui ont eu le plus de succès au cours des dernières années. Voici donc un extrait subjectif des billets que vous, lecteurs, avez plébiscités ces 10 dernières années.

Meilleurs livres France

Les frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski : c’est un classique de la littérature mondiale, assez complexe et long. Mais étant donné que vous êtes courageux et avides de vous frotter à des romans ambitieux, vous avez lu ce livre.

L’éducation sentimentale de Gustave Flaubert : là aussi un classique, français celui-ci. Vous revenez toujours vers Flaubert. La littérature française du XIXe siècle a une place spéciale dans votre coeur et je vous comprends. De plus, vous assumez votre goût pour les anti-héros.

Le pape des escargots d’Henri Vincenot : je reconnais bien là votre curiosité pour les romans atypiques. Celui-ci traite de la beauté du terroir bourguignon et de la richesse de la langue française quand elle prend des accents de l’Auxois et du Morvan. Le tout mis en musique par le formidable conteur qu’est Henri Vincenot.

Volkswagen Blues de Jacques Poulin : vous avez des envies de voyage et de découvertes. C’est pourquoi vous avez aimé ce road novel québécois qui vous fait voyager à travers l’Amérique française, de l’Atlantique au Pacifique.

Le Survenant de Germaine Guèvremont : A lire évidemment. LE roman du terroir québécois avec une opposition entre tradition et modernité. Et un regard sur la vie rurale dans les rangs au Québec.

Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais : un roman très dur sur la misère d’une époque pas si lointaine. Vous avez lu ce livre malgré l’impression de malaise qu’il procure parce que Marie-Claire Blais est une auteure majeure qui aura le prix Nobel de littérature un jour.

Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer de Dany Laferrière : le premier roman de Dany Laferrière. A lire pour découvrir le style décapant de celui qui est aujourd’hui membre de l’Académie Française.

Sans surprise, on retrouve avec ce top des lectures les grandes thématiques du blog : beaucoup de littérature québécoise et des classiques. A noter que je ne retrouve pas un pan important du contenu de ce blog : la littérature américaine… On aura l’occasion d’en reparler dans un prochain billet 🙂

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10 ans de blog littéraire : un bilan

En septembre 2006, j’appuyais sur le bouton « Publier » pour faire paraître un premier texte (d’abord sur une autre plateforme puis rapidement sur wordpress). 10 ans et 370 billets plus tard, ce blog est toujours là ! Et qui plus est, je continue à l’alimenter ! C’est mon premier motif de fierté, la constance dans la publication. Quand je regarde le nombre et la variété des livres que j’ai lus et commentés ici au cours des dernières années, je suis satisfait. Le blog a même souvent joué le rôle de déclencheur dans les lectures que j’ai faites, mission accomplie !

Mission accomplie et plus encore !

Ce qui avait commencé comme un bloc-notes personnel pour pallier une mémoire souvent trop courte concernant mes lectures s’est vite transformé en lieu d’échanges entre passionnés. Et c’est surtout ce que m’a apporté cet espace : l’envie d’aller plus loin dans la découverte de nouveaux auteurs et de nouveaux genres. Sans les commentaires laissés ici, je n’aurais peut-être pas eu spontanément l’envie de lire Dany Laferrière, François Mauriac, William Faulkner, Kim Thuy, Marie-Claire Blais ou encore Don DeLillo. Et ça marche dans les deux sens, quel plaisir lorsque vous m’écrivez que tel ou tel billet vous a donné envie de lire le livre dont je parle !

De la même manière, ce blog m’a donné la possibilité de rejoindre en 2009 l’équipe de la Recrue du Mois, une joyeuse bande de passionnés de littérature québécoise et de nouveaux talents littéraires. Merci à Venise de m’avoir proposé de contribuer à faire connaître les jeunes talents du milieu littéraire québécois. Cerise sur le gâteau, grâce à la Recrue du Mois, je peux m’enorgueillir d’avoir dépassé la barre symbolique de 100 livres québécois lus.

Petite fierté personnelle, j’ai été contacté il y a quelques années par un professeur qui a fait travailler sa classe sur ce blog. Ce sont ses élèves qui ont fait exploser le nombre de commentaires sur l’article consacré à Agaguk d’Yves Thériault.

Mais surtout, ce blog représente un exercice d’écriture que j’apprécié énormément. Je me suis rendu compte au cours de ces 10 dernières années que j’aimais et que j’avais besoin d’écrire. J’aime le fait de devoir réfléchir sur un roman pour en faire un compte-rendu fidèle sans gâcher le plaisir du futur lecteur. Poser des pensées par écrit me fait un bien fou.

Les tentatives avortées

Au cours des années, j’ai essayé un certain nombre de choses concernant ce blog, histoire de varier les plaisirs ou tout simplement d’expérimenter.
Par exemple, ce blog a eu sa page Facebook. Mais j’ai trouvé qu’il était compliqué de l’alimenter en contenu en parallèle du blog. Après une expérience de 2 ans environ, j’ai choisi de fermer la page Facebook pour me concentrer sur le blog lui-même.
J’ai aussi essayé plusieurs fois de sortir du strict commentaire de lecture avec des billets sur des sujets liés au livre. J’ai ainsi écrit à propos de ma première liseuse (j’en ai une nouvelle depuis), à propos des pages Facebook des maisons d’édition ou de la présence de bandeaux sur les livres. Ces billets ont eu leur petit succès d’audience mais j’ai pour le moment renoncé à poursuivre sur cette voie pour privilégier les compte-rendus de lecture. A renouveler peut-être.
Je me suis aussi posé la question de poster quelques commentaires en mode vidéo, à la façon des booktubeuses. Mais là aussi le temps nécessaire à la préparation et au tournage en lui-même m’ont fait renoncer. Et je suis plus à l’aise avec le texte qu’avec l’image et la vidéo (au contraire de la tendance actuelle du web, je sais…)

Les frustrations

En 10 ans, on a le temps de prendre du plaisir mais aussi de se retrouver frustré.
Ma principale frustration est de ne pas réussir à publier davantage. Par exemple, il y a encore une dizaine de livres que j’ai lus mais pas encore chroniqués. Cette liste m’obsède. J’ai réglé quelques cas fin 2015 avec une rafale de publications. Mais je traîne encore plusieurs livres que je dois encore commenter. Comme un boulet attaché à ma cheville. Ceci s’explique par le fait que la lecture est un loisir peut-être un peu moins important dans ma vie que quelques années auparavant. Ma vie professionnelle est plus prenante, les activités avec la famille plus nombreuses, d’autres loisirs ont aussi relégué la lecture et ce blog un peu plus bas dans les priorités.

J’aimerais aussi être plus actif dans la blogosphère littéraire. Je l’ai déjà été mais je me fais rare, voire totalement absent dans les commentaires des autres blogs littéraires. Pas par manque d’intérêt, loin de là, mais faute de temps. Il faut dire aussi que je ne suis pas aidé par l’inflation de blog consacrés aux livres. A tel point que j’ai renoncé à en faire le compte… Ce qui est un bon signe (espérons-le) pour le milieu de l’édition.

Un autre point qui me frustre légèrement est l’érosion du nombre de visites au fil des années. Certes je publie moins qu’avant et je suis un blog littéraire parmi des milliers d’autres. Mais vu la quantité d’articles publiés, je me dis que l’audience ne pourrait qu’augmenter au fil des années. Or la fréquentation de ce blog a été divisée par deux entre 2013 et 2015. La dépendance à Google et ses algorithmes fait mal. Pour les amateurs de chiffres, le blog compte depuis sa création 480 000 pages vues environ au moment d’écrire ces lignes.

Et l’avenir, me direz-vous ?

Le blog n’est pas mort ! On annonce régulièrement la mort du blog au profit des réseaux sociaux, des chaînes YouTube, des applications etc. Je n’en crois pas un mot. Le format peut changer et la lecture des blogs se fait de plus en plus sur mobile mais je veux croire à la valeur ajoutée et à l’intérêt d’un espace dédié à des lectures. Je vais donc continuer à parler de mes lectures et à partager mes impressions. Et pourquoi pas expérimenter de nouvelles choses.

Cette étape des 10 ans est l’occasion de vous remercier de votre passage, de vos commentaires et de vos amitiés, toutes virtuelles qu’elles soient. Mais cet anniversaire, c’est aussi l’occasion de vous demander ce que vous, lecteurs, attendez d’un blog de lecture et de ce blog en particulier. Quelques questions en vrac :

  • Qu’aimeriez-vous trouver ici ?
  • Qu’est-ce qui vous déplaît ici ?
  • Quels livres aimeriez-vous trouver ici ?
  • Que vous inspire ce blog : plaisir ? ennui ? découverte ? déjà-vu ?

 

Exil en la demeure, Jean Bello

Exil en la demeure est le premier roman de l’auteur Jean Bello. Je l’ai lu dans le cadre de la Recrue du mois.

Exil en la demeure Jean Bello

Exil en la demeure peut être résumé très simplement : Mattia, qui vit au Québec depuis plusieurs décennies, revient dans son village natal en Italie pour régler la succession de sa tante récemment décédée. Il retrouve des membres de sa famille qu’il n’a pas vus depuis longtemps, les lieux de son enfance et des habitudes italiennes qui ne sont plus les siennes étant donné qu’il est devenu un Nord-Américain.

Le récit de Mattia est un hommage du narrateur à son entourage, au courage de ceux qui ont émigré au Canada ou aux Etats-Unis et au courage de ceux qui sont restés en Italie. Mattia se retrouve lui le cul entre deux chaises : pas assez italien pour se sentir à la maison en Italie et trop italien pour se sentir complètement étranger. Il constate de nombreuses différences après que les membres de la famille ont pris des routes séparées : les conventions sociales qui sont très présentes en Italie, la nécessité de ménager les susceptibilités des uns et des autres, les lourdeurs de l’administration italienne… Et par-delà les différences se trouve le terreau commun de la famille : un village isolé, les anecdotes de l’enfance, les fêtes religieuses… Exil en la demeure est aussi un hommage à la culture italienne. Impossible de ne pas tracer un parallèle avec L’énigme du retour de Dany Laferrière mais en version italienne.

Je l’admets, je n’ai pas été séduit par le roman de Jean Bello. Le style est pourtant agréable mais l’ambition du roman est desservie par un récit confus. Je me suis perdu dans la multitude de personnages. J’ai remarqué un peu tard qu’il y avait un arbre généalogique en fin d’ouvrage mais il est finalement peu utile. Peut-être que chaque personnage n’était pas suffisamment distinct des autres ou que la construction du roman ne m’a pas permis d’y voir clair. J’ai finalement pris le parti de lire chacune des anecdotes comme des petits épisodes indépendants et c’est bien passé comme ça.

L’énigme du retour, Dany Laferrière

J’ai déjà parlé ici des livres de Dany Laferrière à plusieurs reprises. J’ai acheté L’énigme du retour peu de temps après sa sortie quand je vivais à Montréal et je l’ai emmené dans mes bagages sans l’avoir ouvert jusqu’à maintenant. Je ne sais pas dire exactement pourquoi. La peur d’être déçu par un livre acclamé par la critique et les lecteurs (L’énigme du retour a remporté le prix Medicis en 2009, le grand prix de la ville de Montréal la même année ainsi que le prix des libraires du Québec en 2010) ? La réticence d’aborder le thème du retour au pays alors que je faisais moi-même un retour en France ? Sans doute de mauvaises raisons qui ne valent plus en 2014 et qui font que j’ai entrepris la lecture de ce roman.

enigme-du-retour-laferrière

Le narrateur de ce roman autofictionnel est de retour en Haïti après 35 ans d’exil. Ce retour au pays natal est déclenché le décès de son père qui vivait lui aussi en exil mais à New-York. Le narrateur va annoncer ce décès à sa mère restée au pays. Plusieurs décennie d’exil ont modifié sa personnalité : d’Haïtien pur sucre, il est devenu par la force des choses habitué à la vie dans le froid de l’hiver québécois. ce retour au pays est l’occasion d’une redécouverte de son pays, de son enfance et de ce qui l’a façonné comme adulte.

Ce livre n’est pas tout à fait un roman. C’est une autofiction qui pourrait mériter qu’on la considère comme un épisode autobiographique. L’énigme du retour tient aussi de la poésie : il est émaillé de nombreux haïkus qui donnent un relief additionnel et une musicalité propre  à un ouvrage déjà riche en sensations et en couleurs.

Dany Laferrière propose avec ce livre  une réflexion sur Haïti, sur ce que ce pays a été et ce qu’il est devenu. Le temps passe mais les choses ne changent pas pour un peuple haïtien vivant dans la pauvreté avec un exode rural toujours plus fort et des villes contrôlées par des bandes armées. La riche culture haïtienne est elle aussi toujours là, c’est un repère pour ce narrateur qui confronte ses souvenirs à la réalité d’Haïti aujourd’hui. Quelle est son identité auprès des siens après des décennies d’exil où il a vécu des choses très différentes de ceux qui sont restés ?

La beauté et la qualité de l’énigme du retour réside dans le fait qu’on lit un parcours très personnel qui est de fait très éloigné de ce que n’importe quel lecteur peut bien vivre. Et pourtant ce récit possède une porté universelle car les questionnements qu’il propose sur l’identité, l’enfance, la relation à la famille… tout cela vient toucher le lecteur dans sa personne. Il suffit de se laisser porter et de savourer lentement le beau texte de Dany Laferrière. Je recommande chaudement, évidemment.

 

Les autres livres de Dany Laferrière mentionnés sur ce blogue :

L’amour avant que j’oublie, Lyonel Trouillot

Je me souviens d’une discussion en décembre 2009 avec Catherine et Claudio où tous deux m’avaient présenté Lyonel Trouillot comme étant un de leurs auteurs préférés. Deux passionnés de littérature qui vantent un auteur, ça mérite qu’on s’y intéresse. J’ai finalement choisi de lire l’amour avant que j’oublie, un peu par hasard je l’avoue.

Lors d’une conférence, le narrateur aperçoit une femme qui lui plait beaucoup. Plutôt que de l’aborder directement, ce grand timide décide de lui écrire un livre en quelques heures. Il choisit de lui raconter une partie de son histoire. Ce narrateur, surnommé l’écrivain, parle des trois compagnons avec lesquels il a cohabité au sein d’une petite pension pendant sa jeunesse. Alors jeune professeur engagé dans un syndicat, il fréquente dans cette pension des hommes qui sont pour lui des figures emblématiques. Il y a d’abord l’Etranger, un homme qui fait à ses compères le récit de ses voyages lointains et des nombreuses femmes qu’il a rencontré. Il y a l’Historien, un type un peu bourru qui a quitté sa famille et sa carrière d’universitaire pour s’isoler. Et il y a Raoul, un homme mystérieux grand visiteur de cimetières. Au milieu de ces illustres personnages, le jeune écrivain se construit et se frotte à la vie.

Il est difficile de définir ce texte tant il est riche et protéiforme. Tantôt conte, tantôt récit d’apprentissage, ce roman est à lire avec une bonne dose d’ouverture. Lyonel Trouillot mêle passé et présent, certains dialogues sont insérés dans le texte sans être présentés comme des dialogues. Il faut donc pouvoir accepter de se laisser mener par l’auteur et suivre librement le fil de ses pensées. D’autant que rien n’est tel que les apparences peuvent le laisser supposer au lecteur. Et quelle originalité de la part de l’auteur de nous parler de l’amitié entre ces hommes pour souligner l’importance de l’amour qu’il éprouve pour une femme !

J’ai lu à propos de Lyonel Trouillot que son écriture poétique était caractéristique. Je l’ai constaté moi-même à la lecture de l’amour avant que j’oublie. Lyonel Trouillot possède une grande sensibilité, une remarquable attention aux autres. Je devine que le narrateur qui s’exprime à la première personne possède de fortes similitudes avec l’auteur lui-même. Ce narrateur est extrêmement touchant en raison de ses hésitations, de sa gêne à s’imposer et de son profond respect pour ces hommes qui l’entourent.

Un dernier mot à propos d’Haïti qui constitue la toile de fond de ce roman : j’ai aimé retrouver la richesse de ce pays et de sa population que j’avais entrevu dans les livres de Dany Laferrière.

Je recommande fortement la lecture de ce roman qui se savoure. Et la prochaine fois qu’on me fait une recommandation de lecture passionnée, je n’attendrai pas 2 ans avant de m’y mettre.

Pays sans chapeau, Dany Laferrière

Je vous parle régulièrement de Dany Laferrière depuis quelques temps. Sa présence médiatique, que ce soit pour les nombreux prix qu’il obtient ou pour ses interventions à propos du tremblement de terre du mois de janvier à Haïti, joue bien sûr un rôle dans le fait que je m’intéresse à ses livres. Mais plus important, je le lis parce que je trouve que c’est un excellent écrivain avec un regard bien particulier.

Dans Pays sans chapeau, un narrateur surnommé Vieux Os relate son retour à Haïti après 20 ans d’exil forcé en raison de la dictature de Baby Doc. Assis sous un manguier à Port-au-Prince, il écrit sur ses retrouvailles avec sa mère Marie, sa tante Renée, ses anciennes amours mais aussi Philippe et Manu, ses amis proches restés au pays. C’est pour lui une redécouverte du pays de sa jeunesse. Il revit des sensations oubliées et réutilise des mots gardés en réserve depuis 20 ans. Pas besoin de s’intéresser à Haïti pour apprécier Pays sans chapeau (c’est le nom donné à l’au-delà par les Haïtiens car on enterre les morts sans leur chapeau). C’est un livre sur la nostalgie et le décalage qui se crée de par l’exil entre celui qui est parti et ceux qui sont restés. Se pose aussi la question de la légitimité de celui qui est parti.

Mais vous ferez aussi connaissance avec un pays fascinant. Dany Laferrière dresse un beau portrait d’Haïti, de ses habitants et de leurs croyances. Les chapitres du livre alternent entre le pays réel et le pays rêvé, celui du jour et du quotidien opposé à celui des superstitions et de la nuit. N’avez-vous pas entendu parler de l’armée de zombis d’Aristide ? de ces paysans de Bombardopolis qui se nourissent seulement tous les 3 mois ? de ces morts qu’on croise dans la rue ? Comprendre Haïti et ses habitants semble très difficile.

Les paragraphes sont courts et alternent entre anecdotes drôle et une certaine profondeur. Le narrateur possède un grand sens de l’humour et avec ce regard si particulier sur les choses qui l’entourent a toujours un point final qui fait sourire et/ou réfléchir le lecteur.

Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer et Je suis un écrivain japonais m’avaient frappé par le côté nonchalant du narrateur. Là, Vieux Os montre au contraire une certaine avidité, pressé qu’il est de renouer avec le pays de son enfance et de ses premières expériences de jeune adulte.

En lisant Pays sans chapeau, je me suis demandé s’il fallait considérer Dany Laferrière comme un écrivain haitien ou québécois. Comme je le connais d’abord comme une personnalité publique du Québec, j’ai pris le parti de classer ses romans dans la catégorie littérature québécoise de ce blogue. Mais plus je le lis, plus je me demande dans quelle mesure son écriture est haïtienne et/ou québécoise. Maître de l’autofiction, il écrit sur son expérience qui est à la fois haïtienne et québécoise, c’est donc difficile de dire dans quelle catégorie il tombe. Ce questionnement est certes assez artificiel il faut l’avouer car peu importe l’étiquette qu’on attribue à Dany Laferrière, c’est avant tout un écrivain que j’aime lire pour sa plume et sa sensibilité. Mais je suis curieux de lire les avis des lecteurs qui passent par ici.

Du même auteur :
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer
Je suis un écrivain japonais
Tout bouge autour de moi

Tout bouge autour de moi, Dany Laferrière

Pour une fois, je vais vous parler d’un livre qui est sorti en librairie très récemment. Il s’agit de Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière.

Dans Tout bouge autour de moi, Dany Laferrière livre au lecteur le récit du séisme du 12 janvier 2010 à Haïti. Il était en effet présent à Port-au-Prince à l’occasion de la deuxième édition du festival des Étonnants Voyageurs. Il était de retour à son hôtel en compagnie de Rodney Saint-Éloi et Thomas Spear quand la terre s’est mise à trembler.

Le livre se divise en une multitude de courts paragraphes thématiques. Les premiers sont bien évidemment consacrés à l’événement initial : ces 42 secondes de secousses destructives et meutrières. Dany Laferrière livre un témoignage sur le séisme et apporte un regard fait de fascination pour la force de la vie et pour le peuple haïtien. Entre réactions immédiates (recherche de la famille et des connaissances) et réflexions à plus long terme, Dany Laferrière se montre très lucide malgré le côté récent de l’événement. je me suis demandé un moment s’il n’était pas trop tôt pour écrire et publier un livre sur le sujet. À la lecture de son récit, je me dis qu’il serait sot de taxer Dany Laferrière d’oppotuniste. Il propose un certain recul une fois l’émotion initiale pasée. Il fait des remarques pertinentes sur le traitement de la nouvelle par les médias et rejette complètement l’idée d’une malédiction qui pèserait sur les Haïtiens. D’ailleurs, dans Tout bouge autour de moi, Dany Lafferière souligne aussi l’énergie qui caractérise le peuple haïtien en dépit des cyclones fréquents, des inondations à répétition et des longues années de dictature.

J’aime le regard posé par Laferrière. Dans un style limpide, il rend la lecture de l’événement plus facile, plus simple sans pour autant occulter sa complexité et ses facettes multiples. Il excelle dans le rôle de l’intellectuel qui propose des analyses pertinentes. Il offre une belle leçon de bon sens. La terre a peut-être tremblé mais Dany Laferrière a les pieds sur terre. 

Du même auteur :

Je suis un écrivain japonais, Dany Laferrière

Dany Laferrière l’admet volontiers, il est doué pour les titres de ses livres. Après Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, voici donc je suis un écrivain japonais. Le titre a de quoi surprendre : Dany Laferrière,  un québécois d’origine haïtienne, est un écrivain japonais ? Vraiment ?

Le narrateur est un écrivain pressé par son éditeur de publier son prochain livre. Il lui répond que son titre est déjà trouvé : Je suis un écrivain japonais. Mais notre écrivain n’a encore aucune idée de ce que son roman va contenir. Il se lance alors sur quelques pistes et entame une recherche auprès d’un groupe de jeunes japonais branchés qui vivent à Montréal. Il alterne avec des lectures de voyage de Basho, le maître japonais du Haïku. Ce faisant il suscite un certain émoi auprès du consulat du Japon : qui est ce Montréalais, noir de surcroit, qui se prétend écrivain japonais ? Son projet de roman ira même faire des vagues jusqu’au Japon.

Avec ce récit nonchalant, Dany Laferrière joue avec les mots et avec le lecteur. Il mêle habilement le récit de la vie du narrateur et l’univers créé par l’écrivain. J’ai savouré ce roman en me laissant porter par le style fin et intelligent de Dany Laferrière. Je suis un écrivain japonais est un plaidoyer en faveur de la liberté de l’écrivain : ne pas se laisser apposer une étiquette et ne pas écrire un livre sur commande, que ce soit pour un éditeur ou un consulat. Le romancier va ainsi librement butiner d’un récit à un autre, d’un personnage à un autre et d’un lieu à un autre. C’est pourquoi il ne faut pas lire ce roman pour lire une histoire mais plutôt pour se plonger dans une ambiance.

Une fois n’est pas coutume, je vous laisse sur une citation qui illustre bien la finesse de Dany Laferrière :  » Je savais que la littérature comptait pour du beurre dans le nouvel ordre mondial. Il n’y a que les dictateurs du Tiers-Monde qui prennent les écrivains au sérieux en les faisant régulièrement emprisonner, ou fusiller même » (page 111).

Les nouveaux classiques de la littérature

Très bon dossier dans la presse de dimanche dernier. Il s’agit d’un article sur les nouveaux classiques de la littérature. Plusieurs personnalités se sont essayées à dresser une liste des ouvrages majeurs publiés après 1980. Plusieurs catégories sont proposées : littératures québécoise et étrangère, polars, philosophie, essais et biographie etc. Il est même question des livres de cuisine ! Si l’exercice est purement subjectif et n’a pas beaucoup de prétentions, il a le mérite de donner quelques pistes de lectures intéressantes.

J’ai lu quelques-uns des livres proposés :

Littérature étrangère
Le parfum de Patrick Süskind : lu il y a quelques années. Un excellent livre, très dérangeant.
Outremonde de Don DeLillo : le livre que je lis en ce moment et qui me tient éloigné de ce blogue. Un très grand livre. Une oeuvre majeure.
– Trilogie newyorkaise de Paul Auster : j’en parle ici.
– Truismes de Marie Darrieussecq : j’en parle ici.
– Trois jours chez ma mère de François Weyergans : j’en parle ici.
– Les particules élémentaires de Michel Houellebecq : lu il y a quelques années. M’avait fait une forte impression par son côté cru et direct. C’était mon premier livre de Houellebecq et je n’avais pas l’habitude de ses thèmes de prédilection. J’ai adoré.
– Le monde de Barney de Mordecai Richler : classé dans la catégorie littérature étrangère alors qu’il est québécois (le fait qu’il soit anglophone explique peut-être cette répudiation). J’en parle ici.
– L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera : excellent en tout point.

Littérature québécoise
– Volkswagen Blues de Jacques Poulin : j’en parle ici.
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer de Dany Laferrière : j’en parle ici.
Autobiographie de Marie Uguay : je crois qu’il s’agit du journal de Marie Uguay que j’ai lu il y a 3 ans. La (courte) vie de cette femme poète originaire de Ville Émard est riche en tourments, hésitations et malheurs. C’était une artiste très douée et la lecture de son journal m’avait pris par surprise et beaucoup touché. À relire volontiers.
Bande dessinée
– Paul de Michel Rabagliati : ma bd québécoise préférée. Très bon pour se familiariser avec l’histoire de Montréal et du Québec. Le personnage de Paul est très attachant.
– Calvin & Hobbes par Bill Watterson : génial, cynique et souvent méchant. J’adore.

A propos de la Presse, il me semble que les chroniques de Chantal Guy ont disparu de la section lectures. Dommage parce que j’aimais bien la lire.

Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, Dany Laferrière

Dany Laferrière est un écrivain québécois né en Haïti. C’est quelqu’un que j’aime bien. Je tombe régulièrement sur sa chronique dans le journal La Presse et il intervient de temps en temps à la radio. Je le trouve toujours très articulé dans ses raisonnements et son écriture est très riche et loin d’être monotone.

J’ai retrouvé cette musicalité dans le premier roman qu’il a publié : comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, dans lequel il nous décrit le Montréal des années 80, plus précisément le quartier de la rue Saint-Denis aux abords du carré Saint-Louis. Ces chroniques sont celles de deux noirs qui passent un été chaud et humide comme Montréal sait bien les faire dans un 1 ½ vétuste.

Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer

Le narrateur est connu seulement sous le surnom que lui donne son colocataire, à savoir Vieux. Le colocataire en question s’appelle Bouba. C’est un sage qui dort beaucoup, médite toute la journée, boit du thé et lit le Coran. Ensemble, ils écoutent du jazz, devisent et débattent sur le monde alors que le narrateur s’acharne sur son premier roman si difficile à écrire et lit Bukowski, Miller, Mishima, Hemingway, Proust entre autres.

À travers ses chroniques de la vie montréalaise, il conte au lecteur ses aventures avec les filles, toutes de race blanche. Celle qui tient une plus grande place est surnommée Miz Littérature, elle étudie la littérature à l’université McGill et vit dans le quartier cossu d’Outremont. Elle forme avec le narrateur un couple improbable étant donné leurs origines très différentes. Chaque fille a un petit surnom, on croisera donc Miz Suicide, Miz Sophisticated Lady, Miz Punk, Miz Snob, Miz Chat et j’en oublie sans doute.

Dany Laferrière prend un malin plaisir à parler du cocktail explosif que constitue le sexe entre une fille blanche et un homme noir. Il revisite le débat racial et l’Histoire entre les noirs et les blancs à travers le sexe et les relations entre un homme noir et une femme blanche.

Le roman est court (150 pages), le ton est léger mais ce livre est plus profond qu’il paraît.

Pour les curieuses, la réponse à la question titre n’est jamais donnée…

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