Elsa Pépin signe un premier recueil de nouvelles intitulé Quand j’étais l’Amérique.
La nouvelle qui donne son titre au livre est pour moi centrale. Dans ce texte, une petite fille qui vit au Québec représente malgré elle le Canada lors de vacances estivales dans sa famille française. Elle se fait notamment reprocher sa façon de parler, ses expressions et son accent par sa famille française. Ce qui est naturel d’un côté de l’Atlantique est considéré comme amusant et incorrect dans une culture française très normative, surtout en ce qui concerne la langue. On sent quelque chose de très personnel chez l’auteure qui a cette double culture québécoise et française. Il n’est pas facile d’être propulsé ambassadeur d’un pays et de fait confronté à la caricature qu’ont les gens de vos origines. Mais c’est également compliqué de lutter contre les clichés et de traduire la richesse et les nuances d’un pays. Ce sont des interrogations qui me parlent du fait de mon immigration au Québec et de mon retour en France. J’imagine que c’est encore plus complexe pour une enfant qui n’est pas préparé à ça.
Quand j’étais l’Amérique est un recueil de nouvelles où ressort un thème quasi transversal : la connaissance de soi. Ainsi dans Nécrogénéalogie, une jeune femme déconnectée de sa famille se découvre des traits communs avec sa grand-mère décédée. Elle ne l’a pas revue depuis son enfance et découvre qui elle était grâce aux témoignages des personnes qui l’ont connue pendant sa jeunesse. Une autre nouvelle aborde la relation entre une petite-fille et sa grand-mère. Il s’agit de la cage : la grand-mère de Romy fait une tentative de suicide. Romy se propose alors d’aller vivre avec elle pour l’aider et peut-être redonner un sens à son existence. Dans
loin de la république des fantômes, il est question des relations entre un père et son fils. Le jeune homme ne trouve pas sa place dans l’action comme le souhaiterait son père. Il devient employé dans une maison d’édition, mais déçu par un éditeur recherche avant tout les succès commerciaux, il confronte son idéalisme à la réalité.
Par ailleurs, les textes d’Elsa Pépin sont traversés par une énergie folle, presque mal contenue, à la manière de la jeune fille fonceuse de la sans peur, dont le petit ami plus conservateur et plus timide face à la vie dresse le portrait. Et ce sont souvent les personnages féminins qui sont moteurs dans les textes. Cet élan féminin est présent également dans la nouvelle Millésime 1973 où un jeune couple s’installe dans un petit village québécois pour y faire pousser des vignes et faire du vin. La femme est française (la question de l’identité encore) et envoûte certains habitants du village. Dans deux nouvelles, la mère de l’empereur et le trompe l’œil d’Eugénie, deux hommes subissent le caractère bien trempé de leur compagne, femmes indépendantes d’esprit. Mais cette énergie suscite bien des questions : dans l’enfant au bois mort, une femme retrouve une amie d’enfance qui a bien changé. Elle est devenue terne alors qu’elle était une enfant dynamique. Et dans l’enfant de la guerre, Laurence est une femme exigeante, pour qui les autres ne sont bien souvent pas à la hauteur de ses attentes. Mais sa trajectoire personnelle la conduit vers la solitude.
Bien que certaines nouvelles possèdent des thématiques parfois trop proches, j’ai aimé la lecture de Quand j’étais l’Amérique, à la fois pour ses portraits de personnages originaux et pour les nombreux questionnements qui traversent les textes. Il y a une maturité qui se dégage de ces nouvelles, à mi-chemin entre l’enfance et la vie adulte, pour décrire l’importance des racines dans l’identité et les promesses offertes par l’avenir.
J’ai lu Quand j’étais l’Amérique dans le cadre de la Recrue du mois.