Zero K, Don DeLillo

Tiens, tiens, tiens… ça faisait un petit bout de temps que je ne vous avais pas embêté avec un livre de Don DeLillo. Ca fait deux ans et demi depuis que j’ai lu le curieux Bruit de fond. Le dernier roman de Don DeLillo vient d’être publié en français sous le titre de Zero K.

Zero K - Don De Lillo

Jeffrey, le narrateur, se rend dans un pays d’Asie centrale pour accompagner Ross, son père et Artis la compagne de celui-ci. Artis est gravement malade et, se sachant condamnée, elle entreprend de se faire cryogéniser en attendant d’être ressuscitée dans un futur plus ou moins lointain. La promesse est de se réveiller libéré de la vieillesse et des maladies tout en conservant un esprit vigoureux. Le processus a lieu dans un mystérieux centre nommé la convergence. Entre deux échanges avec son père et Artis, Jeffrey parcourt le centre. Il y croise des personnages étranges à qui il attribue lui-même des noms. Entre scientifiques de pointe, moine sorti de méditation ou simple charlatan, il ne sait pas où il est tombé : centre technologique de pointe ou secte millénariste, difficile de trancher. Le centre diffuse par ailleurs des vidéos déroutantes sur les murs de ses couloirs : guerre, violence, scènes de désolation. Histoire de ne pas regretter la vie terrestre avant de basculer dans le grand froid. Une fois Artis partie, Ross s’interroge s’il ne doit pas suivre le chemin de sa compagne, même s’il n’est pas malade.

Bon, vu comme ça, Zero K donne l’impression d’être un roman de science-fiction ou d’anticipation. Mais il ne faut pas se laisser abuser par la technologie présente dans le roman et le côté moderne de ce qui nous est décrit. Zero K est davantage un roman philosophique dans le sens où il questionne sur ce qui nous retient en vie. Que faire du reste de sa vie quand l’être aimé est parti comme c’est le cas pour Ross ? Que faire de sa vie quand on n’a pas pas de liens familiaux, une vie amoureuse peu passionnante ou pas de projet professionnel (le cas de Jeffrey) ? Quel sens trouver à la vie dans un monde moderne que Don DeLillo décrit comme étant à la fois froid, sombre et vide ?

La question de la fin de vie est centrale dans le dernier roman de Don DeLillo. Voie du futur ou lubie de milliardaire, on ne sait pas quoi penser de ce refus de la mort en misant sur une société future plus avancée et qu’on imagine plus heureuse. Le parallèle avec la religion est évident. Le paradis est ici remplacé par un futur technologique libéré des contingences terrestres. Et si l’approche est plus technologique, elle n’est pas pour autant dénuée de spiritualité. Don DeLillo se fait l’écho d’une quête de sens à travers les personnages de son roman. A la manière de Jeffrey, obsédé par les noms des gens et les définitions des choses qui l’entoure. Jeffrey s’approprie la réalité seulement une fois qu’il l’a nommée et définie.

Vous aurez compris que Don DeLillo n’est pas Patrick Sébastien. Il ne fait pas tourner les serviettes le samedi soir avec ses potes. Je vois Don De Lillo comme un artiste contemporain tant ses romans sont visuels. C’est le cas de Zero K avec je l’ai déjà dit les vidéos de catastrophes naturelles ou de guerre diffusées dans les couloirs de la convergence. Mais c’est aussi l’image frappante des nombreux corps nus flottant dans des réceptacles en verre dans les sous-sols du centre. Ou encore l’alignement du coucher de soleil et de l’axe des rues de New-York. Comme une oeuvre d’art contemporain, rien de cela n’est véritablement utile (dans le sens de fonctionnel) ou réjouissant. Ça n’arrête pas non plus la marche effrénée du monde. Mais si cela nous fait nous arrêter quelques instants et réfléchir, c’est toujours ça de gagné… S’il y en a une, voilà la petite pincée d’optimisme de Don DeLillo.