Genlis, Anne-Claire Marie

Voilà un petit livre qui ne possède qu’un public restreint : ceux qui s’intéressent à la ville de Genlis. Je suis de ceux-là.

Ce livre d’Anne-Claire Marie présente un siècle d’histoire de cette petite ville de Côte d’Or à travers des dizaines de cartes postales et des photos. Celles-ci constituent des instantanés des endroits marquants et des moments clés de la vie de la ville. Genlis doit son développement à sa présence sur la RN5 et à sa gare. La ville a bien évidemment beaucoup changé tout au long du vingtième siècle. Parmi les événements marquants, on peut noter la crue de 1910 qui a laissé des images impressionnantes pour qui connaît les lieux, la libération de la ville à la fin de la seconde guerre mondiale et le passage de la flamme olympique à l’occasion des jeux d’hiver d’Albertville en 1992. En dehors des événements important, le visage lui-même de la ville a évolué : les commerces changent de propriétaires, certains quartiers tombent en désuétude et d’autres sont créés pour répondre aux besoins d’une population toujours plus nombreuse. S’il y a une constante à Genlis que souligne bien Anne-Claire Marie, c’est bien l’importance de la vie associative : musiciens, sportifs, anciens combattants… Il y en a pour tous les goûts.

Bien qu’ayant l’air tout droit sorti d’un Office de Tourisme, cet ouvrage présente tout de même un intérêt pour celui que le parcours de la ville de Genlis n’émeut guère. C’est intéressant de voir que pendant de nombreuses années, les cartes postales jouaient un rôle sensiblement différents d’aujourd’hui. Ces cartes postales étaient un véritable média qui permettait de fixer sur pellicule et de partager une information sur un événement. Et elles sont bien utiles quand la mémoire fait défaut. J’ai bien peur qu’aujourd’hui nos cartes postales touristiques ne présentent que peu d’intérêt pour les historiens.

Au-delà de l’exemple bien particulier de Genlis, j’ai une certaine fascination pour ce genre d’ouvrages qui montrent les différents visages et l’évolution de la fonction d’un lieu. Je m’interroge toujours sur ce qui fait le succès ou le malheur d’une ville. Il me semble que c’est un mélange de moyens de transport, de dynamisme économique, de force culturelle et de qualité de vie. Ou leur absence.

La billebaude, Henri Vincenot

La billebaude est le deuxième roman du recueil consacré à l’oeuvre d’Henri Vincenot. Comme dans le Pape des escargots, l’action se déroule en Bourgogne, plus précisément dans l’Auxois, cette région vallonnée située en Côte d’Or.

Henri Vincenot nous livre une histoire fortement inspirée de son expérience de jeunesse dans un village comme la France en comptait beaucoup à cette époque. La vie y est rythmée par les tâches quotidiennes de la maison et par les travaux des champs en fonction des saisons. Mais la vie du narrateur tourne surtout autour de la chasse. Il y est initié par son grand-père maternel, le Tremblot, pour qui la région n’a pas de secret. Il connaît très bien le parcours des animaux et apprend à son petit-fils l’art d’identifier les traces laissées par le gibier dans les bois. Le savoir-faire de cet homme est reconnu par tous. Le titre du roman fait référence au type de chasse prôné par le Tremblot. La chasse à la billebaude est la chasse au hasard, au gré du parcours des animaux, par opposition à la chasse à courre où l’animal est traqué sans relâche.

Le grand drame du narrateur est d’être doué pour les études. Après des résultats brillants au certificat d’études, il poursuit sa scolarité au collège Saint-Joseph de Dijon. C’est pour lui un premier déracinement qui le coupe de la vie à la campagne. Le second intervient lors de son admission aux HEC qui lui impose de vivre à Paris. Ce qui ne lui permettra que rarement un retour au village pour profiter de ce mode de vie qu’il a dû quitter à regret. Les retours réguliers dans son village de l’Auxois seront pour lui de grands moments de joie.

Henri Vincenot est un conteur formidable. Il avoue d’ailleurs parfois forcer le trait, inspiré en ceci par son grand-père, lui-même grand raconteur d’histoires. Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver dans la Billebaude un quelque chose du Marcel Pagnol de la gloire de mon père, à la fois dans l’amour pour sa région et pour l’histoire du passage de l’enfance à l’âge adulte et toute la découverte du monde qui l’entoure. Les compagnons du Tour de France y tiennent une place importante, comme dans le pape des escargots. La figure emblématique qu’est son grand-père tient un rôle central, un peu comme l’était la Gazette dans le pape des escargots. Il va lui ouvrir la porte de du compagnonnage, cet univers aux codes ancestraux, en commençant par la bourrellerie, le travail du cuir. C’est d’ailleurs ce monde de traditions bien ancrées qui se heurte à une France qui se modernise, comme on le lira avec la mécanisation des campagnes et l’exode rural. Le récit se déroule sur fonds de crise des années 30 et de scandale financier (affaire Hauna-Stavisky). Henri Vincenot s’érige en défenseur du mode de vie de ses grands-parents et arrière grands-parents, sages parmi les sages, et condamne le progrès à tout crin et l’exploitation de la nature. Ce côté donneur de leçon à la jeune génération pourra ennuyer certains lecteurs, de même que la répétition de certaines expressions, comme celle qui consiste à décrire sa région comme le toit de l’Europe occidentale, le lieu où l’eau des rivières rejoint tantôt la Méditerranée tantôt l’Atlantique. Mais ces quelques points négatifs n’ont en rien entamé mon plaisir de lire la billebaude. Le récit est très coloré, grâce au patois bourguignon, tout du moins celui de l’Auxois. Vous saurez ce qu’est un peux, des gaudes (et être gaudé) et vous n’aimerez pas être beurdaulé ni mâchuré.

Bref, la billebaude est une bouffée d’air frais.

Du même auteur : le pape des escargots et les étoiles de Compostelle