Trainspotting, Irvine Welsh

Après Las Vegas Parano, j’ai lu un autre roman sur le thème de la drogue qui a été adapté au cinéma. Celui-ci l’a été en 1996 par Danny Boyle. J’ai quitté Las Vegas et traversé l’Atlantique pour atterrir à Leith en banlieue de la ville d’Edimbourg avec Trainspotting d’Irvine Welsh.

Ils sont une bande de jeunes adultes qui vivent de trafics variés pour se faire de l’argent et de combines pour arnaquer l’assurance sociale. Ils boivent et se droguent avec diverses substances. Celle qui fait le plus d’effet est l’héroïne. Les joints et le speed ne peuvent pas rivaliser avec cette drogue qui selon les personnages démultiplie les sensations et fait se sentir bien. C’est sans compter les manques et l’argent nécessaire pour acheter cette drogue.
Ils s’appellent Deuxième Prix, White Swan, Rent Boy, Begbie, Spud et Matty. Ce sont leurs témoignages qu’on lit dans Trainspotting. Le narrateur change à chaque chapitre pour nous montrer le point de vue des différents membres de la bande sur le quotidien et quelques anecdotes notables.

Ce roman est déstabilisant au début car les chapitres ont souvent un narrateur différent et ce n’est qu’au bout de quelques paragraphes qu’on peut comprendre qui est le narrateur. On s’y fait au fur et à mesure du roman car chaque personnage a sa propre voix et ses expressions.
Je passe rapidement sur les choix du traducteur. Je n’ai pas lu Trainspotting en version originale mais le rendu du parler argotique écossais en français n’est pas toujours réussi. Ou disons plutôt que les expressions choisies par le traducteur ont mal vieilli en français. Un exemple parmi d’autres : qui dit encore qu’il a lambrissé quelqu’un pour dire qu’il lui a cassé la gueule ? Cette traduction fait perdre à Trainspotting ce propos intemporel et le coupe selon moi du jeune lectorat des années 2010.

Trainspotting est avant tout l’histoire d’une génération perdue. Dans une petite ville touchée par le chômage, la misère sociale frappe de plein fouet. Irvine Welsh décide justement de frapper le lecteur. C’est cru et violent. Les scènes de piquage s’enchaînent. Les soirées à boire au pub tournent vite au vinaigre avec des bagarres violentes. Ceux qui passent des entretiens d’embauche le font avec un air suffisamment motivé où il faut avoir l’air motivé pour continuer percevoir les allocations chômage sans toutefois être bon au point de se voir embauché. La drogue est là pour faire oublier la triste réalité. Irvine Welsh ne fait pas une apologie de la drogue. Bien au contraire, ses ravages sont montrés. Les scènes de délire sous la drogue font perdre contact avec le réel. Même la mort d’un bébé semble lointaine. Ceux qui veulent quitter la drogue vont devoir traverser de difficiles périodes de manque. Mais à quoi bon quand la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ? Car Trainspotting est aussi une critique du conformisme et du consumérisme.

A ce sujet, voici ce qui est peut-être la citation la plus connue de Trainspotting et qui résume bien l’esprit du roman. Les mots sont de Mark Renton :

Choisir la vie, choisir un boulot, choisir une carrière, choisir une famille, choisir une putain de télé à la con, choisir des machines à laver, des bagnoles, des platines laser, des ouvres boites électroniques, choisir la santé, un faible taux de cholestérol et une bonne mutuelle, choisir les prêts à taux fixe, choisir son petit pavillon, choisir ses amis, choisir son survet’ et le sac qui va avec, choisir son canapé avec les deux fauteuils, le tout à crédit avec un choix de tissu de merde, choisir de bricoler le dimanche matin en s’interrogeant sur le sens de sa vie, choisir de s’affaler sur ce putain de canapé, et se lobotomiser aux jeux télé en se bourrant de MacDo, choisir de pourrir à l’hospice et de finir en se pissant dessus dans la misère en réalisant qu’on fait honte aux enfants niqués de la tête qu’on a pondu pour qu’ils prennent le relais, choisir son avenir, choisir la vie.
Pourquoi je ferais une chose pareil ? J’ai choisi de ne pas choisir la vie.  J’ai choisi autre chose, les raisons… Y’ a pas de raison. On a pas besoin de raison quand on a l’héroïne.

Trainspotting est le roman culte d’une génération. Ça fait bien 15 ans que j’ai vu ce film mais les scènes les plus marquantes me sont revenues instantanément à la lecture du roman. C’est agréable de voir que certains films peuvent demeurer fidèles à un roman sans le dénaturer.