
Kudos, Rachel Cusk

Je m'appelle Philippe et je lis des livres dans mon temps libre.
Je ne sais plus comment ce livre s’est retrouvé dans ma liste des livres à lire. Je pense l’avoir vu commenté de manière positive sur un blog de lecture il y a quelques mois. Bref j’ai mis la main sur Septentrion de Louis Calaferte et je l’ai lu.
Comment parler de ce roman de manière juste ? Si je dois faire simple, je dirais que c’est un récit d’inspiration autobiographique détaillant les affres de la création chez un jeune écrivain en devenir.
Mais ce serait trop neutre. Limite insipide étant donné la tonalité du texte de Louis Calaferte. Disons que c’est un livre qui ne peut laisser personne indifférent. D’ailleurs il a été censuré dans les années 60. Enfin plutôt autorisé à paraître uniquement en édition « hors commerce », ce qui revient à limiter sa diffusion. Bref à le censurer. Pourquoi une telle décision ? Sans doute parce que Septentrion est un récit affranchi de morale religieuse, sociale et sexuelle. C’est le texte d’un homme libre. Il est certain que le texte ferait réagir de nos jours également mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. Certains propos pourraient être aujourd’hui taxés de machisme ou d’encouragement au harcèlement envers les femmes. Autres temps, autres moeurs. Autres sensibilités aussi.
Notre apprenti écrivain vit au jour le jour. Il se nourrit des grands auteurs et des grands peintres. Il débat avec sa bande d’amis. Il travaille vaguement à l’usine pour faire rentrer de quoi payer sa chambre d’hôtel et subsister. Malgré tout il est régulièrement fauché. C’est ainsi qu’on le verra gigolo, sans abri, parasite de ses amis…
L’intérêt de Septentrion réside pour moi avant tour dans le souffle du texte de Louis Calaferte. Oubliez Bukowski et Céline ! Vous avez là un auteur qui ne mégote pas avec le vulgaire des contingences humaines. Pas un fluide corporel ne vous sera épargné. Pas un bas désir ne vous sera caché. Les endroits les plus sombres de Paris vous serons révélés. Les cotés les plus vils de l’âme humaine vous serons exposés. Provocateur sans doute. Mais Louis Calaferte propose avec Septentrion une certaine poésie et une réflexion sans fards sur le processus créatif.
Rêves de Bunker Hill est le troisième roman de John Fante que je lis après Bandini et Mon chien Stupide. Rêves de Bunker Hill est le dernier roman écrit par John Fante. Il sera publié après sa mort en 1983.
Tout comme Bandini, Rêves de Bunker Hill est une autobiographie romancée où John Fante laisse la parole à son alter ego Arturo Bandini. Fraîchement arrivé à Los Angeles et employé dans une gargote, Bandini se voit proposer un travail dans ses cordes : assistant d’un éditeur. Son rôle est de lire les manuscrits que la maison d’édition reçoit et de réécrire ceux qui ont du potentiel. Cela ne dure qu’un temps car Bandini rejoint bientôt un studio de cinéma comme scénariste. Outre les aventures professionnelles de Bandini, John Fante raconte les moments où Bandini cherche à séduire quelques femmes, avec plus ou moins de succès.
Rêves de Bunker Hill est une sorte de roman d’apprentissage : Bandini a envie de réussir, de gagner de l’argent. Il se frotte à un Los Angeles riche en personnages excentriques à souhait. Mais Bandini ne sait pas ce qu’il veut vraiment car malgré une réussite matérielle certaine, il ne se satisfait pas d’un travail dans lequel il ne s’accomplit pas. Il est partagé entre le confort matériel qui lui permettra de bien vivre et d’étaler sa réussite à sa famille et à ceux qui l’entourent et la volonté d’être reconnu pour ses talents d’écrivain et de scénariste. Pour preuve de son ambivalence, Bandini refuse de collaborer avec une scénariste sur un film car celle-ci trahit complètement la première version du scénario qu’il avait écrit, se privant ainsi de confortables revenus et d’un début de reconnaissance dans le milieu hollywoodien. Par ailleurs, sans le sou, il revient dans son Colorado natal mais plutôt que d’admettre son échec à percer, il cherche malgré tout à impressionner ses anciens amis et sa famille.
Rêves de Bunker Hill est le roman d’un jeune homme qui se cherche. Une chronique douce amère de la vie d’un jeune écrivain à Los Angeles. Car c’est là le talent de John Fante : se raconter tout en nuances et, que l’épisode narré soit drôle ou triste, toujours faire naître un sourire sur les lèvres du lecteur. Ce roman confirme l’attrait que je me suis découvert pour John Fante. Tout porte donc à croire que je n’ai pas fini d’en parler ici !
Ma première lecture de 2013 aura été très enthousiasmante. Avec la vérité sur l’affaire Harry Quebert, Joël Dicker propose un polar qui ne se lâche pas.
Marcus Goldman est un écrivain dont le premier roman a été très bien accueilli par la critique et le public. Après avoir apprécié sa notoriété soudaine, il est angoissé car il ne parvient pas à écrire son deuxième roman réclamé avec insistance par son éditeur. Il se tourne alors vers Harry Quebert, son ancien professeur à l’université et mentor littéraire. Alors que Marcus Goldman le rejoint dans le New-Hampshire, Harry Quebert est arrêté pour le meurtre de Nola Kellergan qui a eu lieu plus de trente ans plus tôt. Le corps de la jeune fille vient d’être découvert enterré dans le jardin d’Harry Quebert. Marcus Goldman entreprend alors une enquête pour disculper son ami.
Un écrivain qui enquête dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Moi ça me fait penser à la série Arabesque (Murder she wrote en version originale) mais en beaucoup plus moderne. Marcus Goldman est en effet un jeune trentenaire célibataire qui profite des attraits de la célébrité à New-York. Et surtout le récit fait plus télé-réalité que série télé. Le lecteur est un témoin de choix des aventures de Marcus Goldman qui explique chacun des tours et détours de son enquête.
La force de la vérité sur l’affaire Harry Quebert réside dans deux éléments principaux. Le premier d’entre eux est le suspense. Joël Dicker maîtrise les rebondissements et les révélations qui retiennent l’attention du lecteur. Et le roman en est truffé jusqu’à la toute fin. Pas moyen de s’ennuyer à la lecture de ce livre. L’autre facteur clé de succès du roman est sa construction habile. Véritable récit à tiroir, la vérité sur l’affaire Harry Quebert est le récit de l’enquête menée par Marcus Goldman qui l’a conduit à écrire son deuxième livre intitulé l’affaire Harry Quebert. Les flash-backs sont nombreux pour déterminer le fil des événements de ce fameux été 1975 où Nola Kellergan a disparu mais aussi pour retracer sa relation avec Harry Quebert depuis leur rencontre à l’université. Marcus Goldman rassemble les témoignages des habitants de la ville d’Aurora. Il est assisté par Galahood, le policier chargé de réouvrir le dossier suite à la découverte du corps. Le récit inclut aussi des extraits du best-seller qui a rendu célèbre Harry Quebert, les origines du mal. Le tout est mêlé avec les échanges de Marcus Goldman avec son agent littéraire et son éditeur car il n’est pas de tout repos d’écrire ce livre. Les récits se suivent en parallèle mais bien que dense, le propos est toujours clair.
Les 650 pages de ce roman ont été avalées très vite entre amitié, amour, écriture de roman et enquête policière. A lire ! Plaisir garanti !
Je vous parlais il y a peu d’un livre dont j’avais arrêté la lecture avant la fin : Walden ou la vie dans les bois de Thoreau. C’est à nouveau le cas avec Claustria de Régis Jauffret mais pour des raisons différentes. Je me suis arrêté au bout de 300 pages sur les 500 que compte le livre.
Régis Jauffret précise dans un avertissement au lecteur qu’il s’agit d’un ouvrage de fiction. Reste que l’inspiration est elle bien réelle. Au point que l’auteur reprenne les noms réels des protagonistes de cette sordide affaire découverte en 2008. Josef Fritzl est ce monstre autrichien qui a séquestré sa fille Elisabeth pendant 24 ans et qui lui a fait 7 enfants. Personne, pas même la femme de Friztl qui vivait quelques mètres plus haut, ne s’est jamais posé de questions sur la disparition d’Elisabeth et sur les bruits provenant de la cave. Avec ce roman, Régis Jauffret met en scène un narrateur, un écrivain français, qui se rend en Autriche pour rencontrer les protagonistes de l’affaire et essayer de comprendre les dessous de cette affaire. Cet écrivain livre un récit à la première personne entrecoupé de scènes racontant la vie de Fritzl et de sa famille.
Pourquoi ai-je décidé de lire ce livre ? Parce qu’il y a de quoi être fasciné par ce fait divers : un monstre pervers et criminel terrorise sa famille, cloître sa fille dans un endroit secret situé juste en dessous de là où sa famille vit, il viole sa fille, la met enceinte puis certains de ces enfants sont intégrés à la famille d’en haut. Un romancier qui aurait imaginé ça aurait été taxé de sensationnalisme tant le tout semble inhumain. Or la réalité dépasse ici la fiction. L’horreur ne peut être qu’humaine. La séquestration, la violence, les sévices, la famine, l’obscurité : la liste est longue.
J’aime l’intention de l’auteur qui cherche à expliquer ou du moins comprendre les motivations de Fritzl et comment tout cela a été possible. Il y a sans doute une part de curiosité malsaine mais le côté malfaisant de l’être humain reste un mystère insondable.
Pourquoi avoir arrêté de lire Claustria après 300 pages ? Au début je n’ai éprouvé aucun problème. Le récit est mené comme une enquête avec des entrevues avec les témoins directs ou indirectes de ce fait divers. Il y a au départ une certaine distance avec ce monstre. Puis on le cerne petit à petit. On pénètre rapidement dans l’horreur sans véritable surprise car l’histoire est connue. Mais je me suis arrêté quand Fritzl met en œuvre son plan et enferme Elisabeth juste après lui avoir fait miroiter une plus grande liberté alors qu’elle se rapprochait de sa majorité. Plus précisément c’est dans les premiers instants de la vie du premier enfant issu de l’inceste que j’ai décidé de refermer ce livre. C’était une décision spontanée. L’idée de ce petit être entièrement soumis à Fritzl m’a révolté. D’un coup je me suis dit : à quoi bon ? Je n’ai pas ressenti le besoin d’aller plus loin : la suite de cette triste histoire est connue et je ne voyais pas ce que la lecture de la suite de Claustria allait pouvoir m’apporter d’autre que colère et indignation.
Le sujet du roman est dur mais j’ai été rassuré de lire ces mots de Régis Jauffret dans une entrevue aux Inrocks : « J’ai lu tout ce qui avait été écrit en français et en anglais, et sur un plan humain ce fut épouvantable. Je ne pouvais pas lire ça plus d’une heure et demie, et surtout pas le soir, tant c’était atroce. »
Régis Jauffret a su rendre l’horreur réelle pour le lecteur. Pour moi ce fut efficace au point que je referme son livre. Est-ce que ça fait de Claustria une réussite littéraire ?
Jean-François Caron était la recrue d’octobre 2010 avec son premier roman Nos échoueries. Il récidive maintenant avec un deuxième roman intitulé Rose Brouillard, le film.
Une jeune femme nommée Dorothée est mandatée par l’office de tourisme de Sainte-Marée-de-l’Incantation, une bourgade du Bas-Saint-Laurent, pour retrouver une certaine Rose Brouillard. Cette femme âgée est la fille du veilleur, un homme taciturne qui vivait sur une île au milieu de fleuve et dont le rôle consistait à sauver marins et bateaux des eaux tumultueuses du Saint-Laurent. Dorothée doit filmer son témoignage pour que les touristes fassent connaissance avec le patrimoine historique de Sainte-Marée.
Ce roman à plusieurs voix possède des airs de théâtre. A chaque fois qu’un des personnages prend la parole, une courte introduction nous explique qui il est et dans quel contexte il participe au récit. J’ai pris plaisir à ce petit jeu qui nous fait découvrir les différentes facettes de cette histoire. C’est d’autant plus important que les apparences sont parfois trompeuses : la supercherie n’est pas loin ! Les indices livrés parcimonieusement au fil du récit font de Rose Brouillard le film un livre dont on tourne les pages avec intérêt.
Rose Brouillard le film est un roman sur la mémoire. C’est important la mémoire, mais ça peut se perdre ou se déformer. Jean-François Caron dont il tire plusieurs leçons. D’un côté, aussi fragile qu’elle soit, la mémoire reste bien ancrée chez les individus. Par opposition, la mémoire collective peut se métamorphoser au gré des intérêts.
En toile de fond du roman se situe la vie insulaire et ses drames. La solitude peut être difficile à vivre et la nature est sans cesse présente pour rappeler la fragilité de l’existence. Sur une île entourée de hauts fonds, balayée par les vents et les vagues, la soumission aux éléments est totale et peut donner à cette île des allures de prison. Cette description de la fragilité de l’homme face à la nature est particulièrement réussie par Jean-François Caron. C’est avec regret et habité par les personnages et leur histoire que j’ai refermé ce roman aux allures de conte.
Notons que l’auteur se permet des petits clin d’oeil. D’abord à Sainte-Euphrasie, le village où se passe son premier roman. Mais il fait aussi référence à un certain Caron, écrivain de son métier, qui possède un talent certain pour affabuler. Quand réalité et fiction se rejoignent…
Paru aux éditions de la Peuplade.
Ça fait plus de deux ans que j’ai délaissé Don DeLillo. Outremonde et Falling Man m’avaient séduit. Mais j’avais trouvé Americana et Joueurs moins intéressants. Je retente l’expérience avec Les Noms.
Ce roman écrit au début des années 80 est le récit à la première personne d’un Américain expatrié en Grèce. James Axton, puisque c’est son nom, travaille pour une entreprise chargée de collecter des données économiques et politiques dans la région méditerranéenne. Ces informations permettent d’évaluer les risques associés aux activités des entreprises américaines dans la région. Des risques que courent les amis mêmes de James qui sont aussi des expatriés dans un monde qu’ils ne comprennent pas toujours. Séparé de sa femme mais lui rendant visite fréquemment, James est aussi le père d’un jeune garçon passionné d’écriture. Les considérations sur la vie de famille du narrateur et sur la vie d’expatrié en général s’accompagnent d’une enquête sur une secte de meutriers qui choisissent leurs victimes en fonction de leur nom.
Le résumé que je viens d’écrire est bien plus intéressant que le livre lui-même. J’ai vraiment été déçu par ce roman de Don DeLillo. Il y a bien des passages intéressants mais cette fois-ci je n’ai pas su lâcher prise pour savourer la prose de cet auteur américain au style si particulier.
Parmi les points positifs, je retiens l’actualité du roman. Même s’il a été écrit il y a 30 ans, il décrit bien les difficultés des Américains quand ils sont dans une culture qui leur est étrangère. Ainsi les passages décrivant la manière dont les Américains sont perçus au Proche-Orient et dans le Sud de l’Europe auraient pu très bien être écrites aujourd’hui. Comme quoi il y a eu peu de changements de ce point de vue là en trois décennies. Tout l’aspect géopolitique du roman demeure d’actualité. Ainsi sont décrits l’influence économique des Etats-Unis au Proche et Moyen-Orient, le capitalisme américain qui s’exporte, le financement des régimes du Moyen-Orient ou encore les relations entre les entreprises américaines et les services de renseignements. Pour l’anecdote, c’est le premier roman que je lis de Don DeLillo qui ne se passe pas aux Etats-Unis et qui ne comporte aucune scène à New-York.
Plusieurs thèmes m’ont par contre laissé de marbre. J’aurais aimé que la relation entre le narrateur et sa femme soient plus approfondie. Je trouve qu’on reste en surface. Peut-être est-ce pour nous dire que ce n’est pas si intéressant que ça. L’histoire de la secte d’assassins reste un mystère pour moi : quelles sont leurs motivations ? quelle est leur logique ? On ne le sait pas. Même chose avec les passages où l’on s’interroge avec les personnages, en particulier Owen, sur le langage et le sens qu’il porte. Je ne sais pas quoi en conclure.
L’écriture caractéristique de Don DeLillo reste séduisante malgré tout. L’auteur passe du coq à l’âne, il propose des fragments de scènes et est maître dans les dialogues. Ca me laisse à penser que Les Noms est un roman à réserver aux aficionadi de Don DeLillo. Il m’a en tout cas donné l’impression d’être un livre encore plus exigeant que ceux que j’ai déjà pu lire du même auteur.
Pour les curieux, voici quelques liens de lecteurs qui ont commenté les noms et qui l’ont plus apprécié que moi :
C’est pour moi un premier contact avec l’écrivain américain John Irving. Le monde selon Garp est le best-seller paru en 1978 qui a assuré sa notoriété auprès du grand public.
Pour faire un résumé simple, ce roman raconte la vie d’un écrivain nommé ST Garp, de sa conception à sa mort.
Garp est né de l’union de Jenny Field, infirmière, avec un soldat estropié et mourant. Ce soldat fait très bien l’affaire car Jenny ne voulait pas s’embarrasser d’un homme dans sa vie. Elle voulait concevoir un enfant sans avoir à partager sa vie avec le père. Ostracisée par une famille conservatrice, Jenny élève Garp seule et devient infirmière dans un collège exclusivement réservé aux garçons. C’est là que Garp fait l’apprentissage de la vie et qu’il décide d’embrasser la carrière d’écrivain pour séduire Helen, la fille de son entraîneur de lutte, qui deviendra le grand amour de sa vie. Le monde selon Garp, c’est donc la création littéraire imbriquée dans la vie quotidienne d’un mari et père de famille avec ses doutes et questionnements.
Le monde selon Garp relate donc un parcours individuel avec une opposition de style entre un homme hédoniste et sa mère féministe qui ne comprend la concupiscence masculine. Les thèmes principaux du roman sont la famille, le couple, le féminisme, le deuil, le sexe et la création littéraire. John Irving possède un talent indéniable pour raconter une histoire. Il maîtrise parfaitement l’art de maintenir l’attention du lecteur en dépit de l’usage fréquent de digressions et de mises en abyme. John Irving parvient aussi à surprendre le lecteur avec des personnages un peu fous et des situations improbables. Le personnage principal est attachant et John Irving propose avec ce livre un regard à la fois plein d’humour et profond sur le monde contemporain.
À certains égards, ce livre de John Irving m’a fait penser à Paul Auster. Je pense en particulier à sa capacité à plonger le lecteur dans une histoire en quelques lignes seulement. Et le fait de mettre un écrivain au cœur d’un roman est une marotte de Paul Auster.
J’ai lu à propos du monde selon Garp que c’était un livre culte. Ce roman est certes solide et écrit par un auteur talentueux mais j’ai du mal à voir ce qu’il pourrait y avoir de vraiment culte. C’est peut-être une question de génération mais j’ai du mal à m’identifier à ce roman malgré ses qualités. Rien toutefois pour m’empêcher de retourner du côté de John Irving.
Dany Laferrière l’admet volontiers, il est doué pour les titres de ses livres. Après Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, voici donc je suis un écrivain japonais. Le titre a de quoi surprendre : Dany Laferrière, un québécois d’origine haïtienne, est un écrivain japonais ? Vraiment ?
Le narrateur est un écrivain pressé par son éditeur de publier son prochain livre. Il lui répond que son titre est déjà trouvé : Je suis un écrivain japonais. Mais notre écrivain n’a encore aucune idée de ce que son roman va contenir. Il se lance alors sur quelques pistes et entame une recherche auprès d’un groupe de jeunes japonais branchés qui vivent à Montréal. Il alterne avec des lectures de voyage de Basho, le maître japonais du Haïku. Ce faisant il suscite un certain émoi auprès du consulat du Japon : qui est ce Montréalais, noir de surcroit, qui se prétend écrivain japonais ? Son projet de roman ira même faire des vagues jusqu’au Japon.
Avec ce récit nonchalant, Dany Laferrière joue avec les mots et avec le lecteur. Il mêle habilement le récit de la vie du narrateur et l’univers créé par l’écrivain. J’ai savouré ce roman en me laissant porter par le style fin et intelligent de Dany Laferrière. Je suis un écrivain japonais est un plaidoyer en faveur de la liberté de l’écrivain : ne pas se laisser apposer une étiquette et ne pas écrire un livre sur commande, que ce soit pour un éditeur ou un consulat. Le romancier va ainsi librement butiner d’un récit à un autre, d’un personnage à un autre et d’un lieu à un autre. C’est pourquoi il ne faut pas lire ce roman pour lire une histoire mais plutôt pour se plonger dans une ambiance.
Une fois n’est pas coutume, je vous laisse sur une citation qui illustre bien la finesse de Dany Laferrière : » Je savais que la littérature comptait pour du beurre dans le nouvel ordre mondial. Il n’y a que les dictateurs du Tiers-Monde qui prennent les écrivains au sérieux en les faisant régulièrement emprisonner, ou fusiller même » (page 111).
Ca faisait un moment que j’entendais chanter les louanges de Paul Auster. Je me suis finalement laissé tenter à la librairie, là même où je m’étais déjà procuré l’excellent livre de Comte-Sponville.
La nuit de l’oracle décrit le quotidien de Sydney Orr, un écrivain qui se remet à écrire quelques mois après un gros pépin de santé. Le livre s’ouvre sur ses premiers achats de matériel pour écrire dans une papeterie tenue par un mystérieux Chinois. On suit Sydney dans le processus de création de son prochain roman et dans les relations avec ses proches : sa femme et un confrère écrivain qui l’aiguille dans sa démarche.
L’histoire en elle-même ne casse pas trois pattes à un canard, c’est la description d’un quotidien à peine moins banal que celui de monsieur tout le monde. Mais la qualité du livre réside dans la manière dont il est écrit. J’ai eu l’impression d’être pris dans un tourbillon d’aventures. A la fin, je ne pouvais même plus décrocher du livre. Le quotidien s’est au fur et à mesure transformé en une spirale singulière. C’est à la fin que toutes les pièces du puzzle se mettent en place. Paul Auster arrive même à imbriquer dans son récit plusieurs histoires écrites par le personnage principal. Le tout sans que la fluidité du récit en souffre moindrement.
Ah si il y a tout de même une chose qui m’a perturbé dans La nuit de l’oracle, c’est le nombre de notes de bas de page assez longues où le narrateur se laisse aller à quelques digressions. Je ne sais pas si ça fait partie du style de Paul Auster mais ça m’a un peu gêné. Heureusement, elles se sont faites plus rares dans la suite du roman.
Ma note : 4/5.