Pays sans chapeau, Dany Laferrière

Je vous parle régulièrement de Dany Laferrière depuis quelques temps. Sa présence médiatique, que ce soit pour les nombreux prix qu’il obtient ou pour ses interventions à propos du tremblement de terre du mois de janvier à Haïti, joue bien sûr un rôle dans le fait que je m’intéresse à ses livres. Mais plus important, je le lis parce que je trouve que c’est un excellent écrivain avec un regard bien particulier.

Dans Pays sans chapeau, un narrateur surnommé Vieux Os relate son retour à Haïti après 20 ans d’exil forcé en raison de la dictature de Baby Doc. Assis sous un manguier à Port-au-Prince, il écrit sur ses retrouvailles avec sa mère Marie, sa tante Renée, ses anciennes amours mais aussi Philippe et Manu, ses amis proches restés au pays. C’est pour lui une redécouverte du pays de sa jeunesse. Il revit des sensations oubliées et réutilise des mots gardés en réserve depuis 20 ans. Pas besoin de s’intéresser à Haïti pour apprécier Pays sans chapeau (c’est le nom donné à l’au-delà par les Haïtiens car on enterre les morts sans leur chapeau). C’est un livre sur la nostalgie et le décalage qui se crée de par l’exil entre celui qui est parti et ceux qui sont restés. Se pose aussi la question de la légitimité de celui qui est parti.

Mais vous ferez aussi connaissance avec un pays fascinant. Dany Laferrière dresse un beau portrait d’Haïti, de ses habitants et de leurs croyances. Les chapitres du livre alternent entre le pays réel et le pays rêvé, celui du jour et du quotidien opposé à celui des superstitions et de la nuit. N’avez-vous pas entendu parler de l’armée de zombis d’Aristide ? de ces paysans de Bombardopolis qui se nourissent seulement tous les 3 mois ? de ces morts qu’on croise dans la rue ? Comprendre Haïti et ses habitants semble très difficile.

Les paragraphes sont courts et alternent entre anecdotes drôle et une certaine profondeur. Le narrateur possède un grand sens de l’humour et avec ce regard si particulier sur les choses qui l’entourent a toujours un point final qui fait sourire et/ou réfléchir le lecteur.

Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer et Je suis un écrivain japonais m’avaient frappé par le côté nonchalant du narrateur. Là, Vieux Os montre au contraire une certaine avidité, pressé qu’il est de renouer avec le pays de son enfance et de ses premières expériences de jeune adulte.

En lisant Pays sans chapeau, je me suis demandé s’il fallait considérer Dany Laferrière comme un écrivain haitien ou québécois. Comme je le connais d’abord comme une personnalité publique du Québec, j’ai pris le parti de classer ses romans dans la catégorie littérature québécoise de ce blogue. Mais plus je le lis, plus je me demande dans quelle mesure son écriture est haïtienne et/ou québécoise. Maître de l’autofiction, il écrit sur son expérience qui est à la fois haïtienne et québécoise, c’est donc difficile de dire dans quelle catégorie il tombe. Ce questionnement est certes assez artificiel il faut l’avouer car peu importe l’étiquette qu’on attribue à Dany Laferrière, c’est avant tout un écrivain que j’aime lire pour sa plume et sa sensibilité. Mais je suis curieux de lire les avis des lecteurs qui passent par ici.

Du même auteur :
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer
Je suis un écrivain japonais
Tout bouge autour de moi

17 réflexions au sujet de « Pays sans chapeau, Dany Laferrière »

  1. Honnêtement, pour connaître un peu l’opinion de l’auteur qu’il a souvent mentionné dans les médias, il détesterait ce questionnement. S’il est un écrivain haïtien ou québécois. C’est le pourquoi d’ailleurs du titre de Je suis un écrivain Japonais (seul livre de lui que je n’ai pas aimé jusqu’à maintenant).
    De mon côté, je crois juste qu’il est un fichu de bon écrivain.
    Tu devrais lire J’écris comme je vis si tu l’aimes bien. Tous ses livres en fait. Mais celui-là est une entrevue. J’ai bien aimé.

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  2. Totalement envoûtée par son magnifique  » Enigme du retour » je lis avec attention ce billet car jusqu’ici ne n’aimais pas énormément ses romans mais ..il faut évoluer !
    On sent bien quand même en lui un écrivain écartelé entre pays d’origine mais pays d »exil et pays d’accueil
    Mais comme le dit Impulsive Montréalaise : avant tout un fichu bon écrivain

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  3. Je suis certaine aussi qu’il n’aimerait pas qu’on lui colle une étiquette pourtant, dans une entrevue, je l’ai entendu nommer les livres qu’il aimait, qu’il lisait et les auteurs qui l’ont marqué étaient en majorité, pour ne pas dire tous, Haïtiens.

    Il faudrait donc s’en sortir en parlant de l’auteur québécois d’origine haîtienne. Parler d’auteurs et non de littérature. Je laisse le reste aux professeurs de cégeps et universités.

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  4. J’ai failli l’acheter à quelques reprises celui-là. Je vais le faire, tu m’as convaincue. Évidemment, qu’ils ont sorti une nouvelle édition, d’autant plus depuis que Pierre Foglia en a fait l’apologie.

    Pour ton questionnement, qu’il n’aimerait pas semblerait-il, ne lui en déplaise, j’ai tout de même une opinion. C’est un auteur québécois. Même s’il ne parlait que de la Chine, il serait un auteur québécois ; il vit au Québec. Pour moi, ce n’est pas plus compliqué que ça. Un moment donné, il faut s’en tenir à l’habitat, pas aux sujets des livres (c’est bien ainsi que l’on procède à la Recrue pour déterminer nos oeuvres au goût du mois ?).

    Comme j’adore l’entendre parler, j’adorerai l’entendre écrire (j’en ai lu qu’un jusqu’à date « Tout bouge autour de moi » que j’ai beaucoup aimé, et l’Énigme du retour m’attend sur mes étagères).

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  5. Ah oui, j’oubliais de te dire qu’il va être très très présent aux Correspondances d’Eastman. Plusieurs activités autour de lui. Et c’est bon de l’entendre et le voir en direct, il a une spontanéité, il entre dans son moment présent, se laisse inspirer et fonce.

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  6. Bonjour,

    Je me permets de vous contacter en tant qu’animatrice de la communauté de Babelio.

    Babelio (www.babelio.com) est un réseau social dédié à la lecture qui permet aux membres de créer une bibliothèque en ligne, d’échanger des critiques et de partager leurs lectures avec des amis. Ce site, première communauté francophone qui réunit plus de 13 000 lecteurs en France, en Belgique, au Canada et en Suisse, a pour objectif d’encourager la lecture et de suivre l’actualité littéraire en utilisant les outils d’Internet.

    L’opération Masse Critique de Babelio compte huit éditions à ce jour et a eu beaucoup de succès auprès des blogueurs et des éditeurs en France, en Suisse et en Belgique. Son principe est simple : les éditeurs envoient leurs titres gratuitement aux blogueurs en échange d’une critique publiée en ligne sur leur blog et sur Babelio. Pour répondre à la demande de blogueurs québécois qui se sentaient injustement tenus à l’écart de la version française de l’opération, nous sommes en train de monter une édition québécoise.

    Mais pour ça, nous avons besoin de votre aide !

    Pour convaincre les éditeurs québécois de l’intérêt de l’opération, nous devons réunir un panel de blogueurs littéraires québécois. si vous êtes intéressé ou et si vous connaissez des blogueurs littéraires susceptibles de participer, n’hésitez pas à me communiquer leurs adresses email à katia@babelio.com

    Cordialement,

    Katya

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  7. « Je vous parle régulièrement de Dany Laferrière depuis quelques temps. »

    Eh ben, tout le monde en parle. Pas plus tard qu’hier, j’ai lu un billet qui prétendait que D.L. parlait un français impeccable et qu’il ne comprenait pas pourquoi les français dits de souches martyrisaient leur propre langue…

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  8. Allez lire les autres livre de Laferriere.
    Moi je vous recommande surtout
    * Le charme des apres midi sans fin

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  9. J’ai « tout bouge autour de moi » dans ma Pile… Je ne connais pas encore cet auteur, sinon de réputation car on lit beaucoup sur lui sur la blogo ces temps-ci…

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    1. Tout bouge autour de moi est très bon. Il y a une parenté indéniable avec Pays sans chapeau au niveau de la forme : de courts textes sur un point précis. J’aime bien ce style façon mosaïque pour décrire les choses sous plusieurs angles.

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  10. Bonjour Phil,

    Je tombe sur ta chronique alors que je suis en pleine lecture de Pays sans chapeau.
    Je dois dire que j’étais sur la réserve concernant cet auteur. Amusé lors de ma lecture de Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, déçu par le charme des après midi sans fin. A la lecture de ce dernier roman, je m’étais promis de ne plus le relire…Heureusement, que je suis revenu sur ma décision. Je suis plongé dans un roman chargé d’émotion. Le fantastique haïtien est très présent. Mais ce question entre la cité quitté pendant 20 ans et la terre que l’on retrouve est passionnant.

    Je crois qu’il y a une phrase essentielle dans ce roman qui répondrait à ta dernière question. Je paraphrase : Haïti, c’est ma mère. Son ancrage, son lien avec cette île au moment où j’aborde 😯 dernières pages, c’est sa mère.

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