Une saison dans la vie d’Emmanuel, Marie-Claire Blais

Une saison dans la vie d’Emmanuel est un classique de la littérature québécoise.

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Marie-Claire Blais ne prend pas la peine de situer l’action dans le temps ou dans l’espace. Mais on se rend compte qu’elle décrit le Québec à une époque pas si lointaine que ça. Sauf erreur, les seules indications qu’on a sur l’époque sont le fait que l’électricité n’est pas encore généralisée dans les maisons et que le transport se fait en véhicule tiré par des chevaux.

Nous sommes à la campagne dans une famille nombreuse : le petit Emmanuel qui vient de naître en est le seizième enfant. La maison est dominée par la redoutable présence de Grand-Mère Antoinette. C’est une vieille femme tantôt intransigeante tantôt attendrie par ses petits-enfants. Parmi ceux-ci, on s’attarde sur Jean Le Maigre, le poète tuberculeux, le Septième, voleur notoire, Pomme le fainéant et Héloïse la jeune fille renvoyée du couvent en raison de mystérieuses crises de nerfs.
Une saison dans la vie d’Emmanuel est un livre sombre qui décrit un quotidien fait de misère. Voici un inventaire non exhaustif des thèmes qui traversent le livre de Marie-Claire Blais : la maladie, la faim, la violence, la mort, l’illettrisme, le viol conjugal, la pédophilie, l’alcoolisme, l’inceste entre frères, la prostitution et un aperçu des conditions difficiles du monde ouvrier.
Ajoutez à ça une omniprésence de la religion à travers le pouvoir du bas clergé dans le quotidien des familles et vous aurez un tableau sans fard. Il est difficile de se défaire de la sensation de malaise qu’on a à la lecture du livre.

Alors pourquoi lire ce livre ?
D’abord pour le style d’écriture de Marie-Claire Blais. Je ne sais pas vraiment comment le décrire mais elle décrit des scènes qu’elle interrompt, des détails insignifiants, des impressions vagues et des dialogues parfois anodins. Le tout forme un maelström qui finit par donner une image complète de la situation et des personnages. Le narrateur change en plein milieu d’un chapitre sans que cela ne porte préjudice au livre. Si Marie-Claire Blais était peintre, elle serait cubiste.
Au cas où vous vous poseriez la question, la plupart des thèmes sensibles ne sont que suggérés.
J’ai aussi trouvé que la lecture de ce livre était pertinente pour des raisons que je qualifierais de sociologiques. Je me dis que l’impact à sa publication en 1965 a du être très important. En effet, il est arrivé pendant la période dite de la Révolution Tranquille, l’époque à laquelle les francophones du Québec ont pris conscience d’eux-mêmes en tant que peuple. En ce sens, une saison dans la vie d’Emmanuel a forcément contribué à ce que les Québécois se regardent dans le miroir.

5 étoiles

Du même auteur : Soifs.

12 réflexions au sujet de « Une saison dans la vie d’Emmanuel, Marie-Claire Blais »

  1. Mon dieu… Tu me rappelles que j’ai commencé ce livre quelque part cet automne et qu’il faudrait bien que je le termine! Surtout que ce n’est qu’une plaquette! Mais je dois dire que je n’avais pas embarqué plus que ça, et j’en étais à la moitié. Mais lire ton résumé me redonne envie d’y retourner. Je vais le remettre sur ma table de chevet.

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  2. Phil, c’est fait. J’ai terminé. C’est drôle, parce que j’avais gardé peu de souvenirs de ma première lecture. J’ai repris le livre hier soir, avec en tête ton commentaire. Et, franchement, je n’ai pu que me rendre à l’évidence que l’écriture est absolument maîtrisée et très belle. Je suis contente de l’avoir lu. Me reste encore d’autres livres de Marie-Claire Blais à découvrir, dont Soifs. C’est certain qu’elle a une place d’honneur dans la littérature québécoise.

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  3. Julie : je suis content qu’une saison dans la vie d’Emmanuel t’ai plu. Parmi mes projets de 2009, il y a la volonté de poursuivre la série commencée avec Soifs. Je sais que je vais m’y perdre dans tous les personnages de cette saga mais j’ai envie de me plonger dans le récit de Marie-Claire Blais.

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  4. Et dire que lors de la publication de ce roman en France, les critiques européens y virent un portrait fidèle du Québec! Ainsi, les Français y accolèrent même l’étiquette de roman réaliste!

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  5. Louis : en effet, la lecture de ce livre nécessite une certaine compréhension du Québec et de son histoire. La critique de Marie-Claire Blais est très sévère mais le texte n’est certainement pas à prendre au pie de la lettre…

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  6. C’était trop glauque pour moi.
    Je l’ai lu à la suite de Maria Chapdelaine et je me suis demandé si Blais n’avait pas été ce livre-là comme un manifeste anti-Maria-Chapdelaine et son côté « c’est dur mais tout le monde s’aime »

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    1. Je pense en effet qu’on peut y voir une antithèse de la vie rurale qui a longtemps été exaltée par la classe politique et le clergé très puissant à l’époque. Une volonté de « tuer » le passé qui a été idéalisé à des fins de contrôle de la population.

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