Modeste Mignon, Honoré de Balzac

Il est bon de se plonger dans un classique de temps en temps. Les classiques ne sont jamais des classiques par hasard. Modeste Mignon en est un pétri de qualités. Le niveau de l’écriture est impressionnant, chaque mot a sa place dans une histoire complexe qui compte plusieurs rebondissements. Et le portrait d’une frange de la population française sous la Restauration (époque Charles X) est admirablement bien rendu.

J’ai une drôle d’histoire avec ce livre. Je l’avais commencé il y a plus de deux ans pour en abandonner curieusement la lecture 60 pages avant la fin. Et je ne me souviens même plus pourquoi. J’ai donc recommencé Modeste Mignon du début.

Modeste Mignon est une jeune fille du Havre qui donne son nom au roman de Balzac.  Son père, ancien colonel de l’armée de Napoléon reconverti dans le commerce, a récemment perdu toute sa fortune. Il quitte la maison familiale en laissant comme consignes à ses proches amis de ne laisser aucun prétendant séduire sa fille âgée de 20 ans. C’est sans compter la volonté de Modeste qui va contre toute prudence et en secret écrire des lettres à un poète parisien dont elle admire les poèmes : Monsieur de Canalis. Or ce poète reçoit de nombreuses lettres de fans comme on dirait aujourd’hui. Il va donc suggérer par jeu à son secrétaire, Ernest La Brière, de répondre à sa place pour tourner en ridicule cette admiratrice. Or les lettres de La Brière font mouche dans le cœur de Modeste. Elle-même parvient à séduire son interlocuteur bien qu’elle utilise un pseudonyme pour rester anonyme. L’un et l’autre cachent donc leur identité véritable mais tombent amoureux à travers cet échange épistolaire. Le secret de Modeste finira par être découvert par ses proches. Mise au pied du mur par son père revenu de son long voyage, elle devra choisir entre Canalis et La Brière, sans compter un troisième prétendant qui est membre d’une des plus grandes familles de la noblesse française.

Modeste Mignon se déroule ainsi comme une pièce de théâtre en plusieurs temps jusqu’au dénouement.Les personnages nous sont présentés en détail, ce qui est toujours l’occasion pour Balzac de dresser le portrait des Français de son époque (Modeste Mignon fait partie des Scènes de la vie privée de la Comédie Humaine). J’aime beaucoup le fait que Balzac donne au lecteur son avis sur ses personnages entre les lignes. Il est rarement tendre avec eux et n’hésite pas à souligner leur ridicule et leur fatuité, autant les provinciaux que les parisiens, les bourgeois que les nobles. L’échange de lettres entre Modeste et La Brière donne lieu à de très beaux passages, très riches, dans un langage châtié et maîtrisé. Enfin la confrontation entre les trois prétendants et Modeste est tout simplement savoureuse. En refermant mon livre, je me suis dit : quel talent ce Balzac ! Tout y est dans ce livre : une histoire intéressante, une narration de haute volée, des personnages bien rendus. Modeste Mignon vient me rappeler pourquoi j’aime lire et que la langue française est belle quand elle est utilisée par un auteur de talent.

10 réflexions au sujet de « Modeste Mignon, Honoré de Balzac »

  1. Eh bien ! Je suis moins portée sur le retour en arrière, pas fermée juste moins portée, et puis, là en lisant ta description, je n’ai plus le goût de passer à côté de ce livre. Toute la comédie humaine d’un coup, peut-être pas, mais à petites dégustation de Modeste Mignon, oui. Il me semble qu’il y aurait une belle adaptation et que ce roman vivrait bien en pièce de théâtre, comme tu l’insinues d’ailleurs. Par ses scènes bien découpées.
    J’aime beaucoup l’épistolaire et, honte sur moi, je n’ai jamais lu Balsac, alors, je n’ai plus de raison de passer à côté !
    Pour un retour abrupte dans notre siècle, une tague littéraire court (au ralenti, à cause de moi), les tagues sont rarement purement littéraires et comme celle-ci l’est, je n’ai pas su m’en prémunir. Et maintenant je te la transmets … libre à toi de continuer à la répandre, mais t’invite cordialement à visiter la source de la contagion (Le Passe-Mot).

    J’aime

  2. @ Venise : Balzac est un auteur que j’aime beaucoup. Je m’attaque tout doucement à la Comédie Humaine. C’était le projet d’une vie à écrire pour Balzac. C’est pourquoi je pense que c’est le genre de lecture qui se savoure. Comme je l’écrivais il y a peu dans un commentaire sur le blog des classiques (voir les liens à gauche), j’aime beaucoup cette entreprise de vouloir décrire la société française à une époque bien précise. Zola a lui aussi emprunté une démarche similaire pour décrire la France sous le Second Empire (avec un regard très critique).
    J’ai vu que j’avais été tagué, je m’en occupe dès que j’ai le temps 😉 Le monde entier va savoir comment et pourquoi je lis !

    J’aime

  3. Bonjour,

    Voici un magnifique roman, mais à mon sens ,il est réservé à un public restreint.

    La langue , précieuse ,est bien souvent obscure .

    J’aimerais connaître vos réactions.

    Amitiés littéraires .

    J’aime

  4. Rastignac : j’adore la langue de Balzac. Les tournures sont certes éloignées de notre langage quotidien mais quelle élégance ! Je trouve que la langue de Balzac n’est ni obscure ni précieuse. Juste superbe.

    J’aime

  5. Bonjour !

     » Modeste Mignon  » est un roman de Balzac peu connu. Je viens de le découvrir.

    C’est un roman qui pourrait figurer dans la collection ‘Arlequin’ ! ma remarque n’est pas péjorative ;elle signifie simplement que cette histoire a tout pour plaire aux midinettes et les midinettes poétisent notre quotidien.Imagine que les filles de France ressemblent à Marguerite Yourcenar…

    Ceci dit , il est d’une lecture un peu ardue, car les lettres spécialement sont formulées dans un style très précieux ; si l’histoire conviendrait aux lectrices de la collection Arlequin , le style passerait plutôt mal.

    Les scènes finales de vénerie baignent dans une ambiance onirique.

    Amitiés littéraires

    J’aime

  6. Phil, je suis de votre avis; certains passages sont splendides ; je pense aux descriptions finales du « Curé de village  » et aux scènes finales de vénerie de « Modeste Mignon »(Cf mon message précédent) ; merci de m’avoir répondu.

    Amitiés.

    J’aime

  7. Bonjour les amis balzaciens,

    en tant que prof de FLE aux Pays-Bas, les occasion d’échanger mes vues sur mon auteur favori, Honoré de Balzac sont trop rares. Voilà déjà quelques années que j’ai commencé de faire le tour de La Comédie Humaine, mais faute d’interlocuteurs il m’arrive régulièrement de me bloquer pendant de longs intervalles. J’ai lu à peu près 70 textes sur les environ 93 qui forment La comédie. Parmi les romans peu connus un de mes préférés est « Une fille d’Eve » J’ai moins apprécié « Sur Catherine de Médicis », mais ‘même dans un texte moins réussi de Balzac on peut repérer des perles.
    Qui des balzaciens français aimerait partager sa passion avec un gars du Nord? (Pays-Bas)
    Gerrit Jan

    J’aime

    1. Bonjour Gerrit Jan,
      Ta passion pour Balzac est impressionnante ! J’ai entrepris la lecture de la Comédie Humaine il y a peu de temps et je ne sais pas si je la lirai en entier un jour. Je n’en suis qu’au début.
      J’espère que mon blogue te permettra de rejoindre des amis de Balzac aussi passionnés que toi !

      J’aime

    2. Bonjour Gerrit Jan,

      Je suis moi meme assez avance dans la Comedie Humaine (environ 65 textes lus), et j’apprecie beaucoup partager mes pensees sur cette oeuvre majeure.
      Pareillement, j’ai beaucoup apprecie « Une fille d’Eve », mais ce roman ne peut etre lu qu’a la lumiere des autres oeuvres de Balzac, en effet, il faut pouvoir comprendre les personnages de Felix de Vandenesse (« Le lys dans la Vallee »), du Tillet (« Cesar Birotteau ») ou de Raoul Nathan afin de comprendre totalement les grandeurs et petitesses de ces personnages recurrents.

      Pour ce qui est de Modeste Mignon, on peut aussi trouver quelques elements de reponses par rapport aux differents personnages a partir d’autres oeuvres, mais l’interet de ce roman est surtout le parfait maniement de la part de Balzac des techniques narratives qui entretiennent le suspens.

      Charles

      Charles

      J’aime

Laisser un commentaire