Kamouraska, Anne Hébert

Ça faisait un moment que je m’étais promis de me mettre à la littérature québécoise car force est d’avouer que je n’ai pas lu grand-chose de québécois depuis que je suis au Québec (à part peut-être Rafaèle Germain, mais est-ce de la littérature ?). Je suis donc passé à la bibliothèque pour emprunter Kamouraska de Anne Hébert. Publié en 1971, il est considéré comme un incontournable de la littérature québécoise.

Elizabeth est aux côtés de Jérôme Rolland, son second mari, qui est en train de s’éteindre paisiblement dans sa demeure de Québec. Épuisée de veiller le mourant, finit par s’endormir et revit en songe son premier mariage avec le séduisant Antoine de Tassy, seigneur de Kamouraska. Un mariage qui ne sera pas placé sous les meilleurs auspices. Les premiers mois se passent bien pour le couple mais très vite Antoine s’avère être un ivrogne coureur de jupons. Après quelques mois passés sur les terres de Kamouraska, Elizabeth revient dépitée dans sa famille à Sorel. Elle se désespère jusqu’à sa rencontre avec le docteur Georges Nelson, un Américain dont la famille loyaliste s’est réfugiée au Canada. Elle tombe sous le charme de ce bel homme et vit avec lui une belle histoire d’amour. Mais voilà, Antoine de Tassy est toujours présent et cause beaucoup de chagrin au nouveau couple. C’est alors que les deux amants décident que le mari doit mourir. Après une première tentative d’empoisonnement infructueuse par la servante d’Elizabeth, c’est le Dr Nelson qui va entreprendre en plein hiver le chemin de Sorel à Kamouraska pour perpétrer le forfait qui les libérera.

Kamouraska

J’ai bien aimé Kamouraska. Mais sans vraiment accrocher plus que ça au départ. Le style de narration est peu convivial à mon goût. On suit le cheminement les pensées d’Élizabeth d’Aulnières (qui deviendra Élizabeth de Tassy puis Elizabeth Rolland). On est vraiment dans sa tête alors qu’elle est hantée par les images de son passé douloureux. C’est difficile de suivre le passage d’une idée à l’autre, car le passé et le présent sont étroitement mêlés et Elizabeth passe rapidement d’un sujet à l’autre. Anne Hébert joue avec la chronologie, ne livre que quelques bribes avant de révéler le reste plus tard. Mais petit à petit, on se fait à ce rythme et on découvre l’image d’ensemble : les premiers émois d’Elizabeth pour le jeune seigneur de Kamouraska, son mariage, ses désillusions et sa redécouverte de l’amour avec Georges Nelson, jusqu’à l’issue fatale et ses conséquences sur les deux amants. Je trouve que c’est une belle prouesse de la part d’Anne Hébert de nous faire entrer ainsi dans les pensées d’une personne. On se sent très proche de la narratrice, on retient son souffle avec elle dans les moments difficiles. Kamouraska est un roman tragique, l’issue n’est pas belle, ce n’est pas un conte de fée. Le récit contient beaucoup de mélancolie, de tristesse, de regrets.

Kamouraska nous emmène en voyage dans le Québec du XIX siècle. Il est tout à fait possible de suivre le périple du docteur Nelson avec une carte du Québec. On traverse avec lui les villages entre Sorel et Kamouraska. J’ai regardé sur internet combien de temps prend le trajet aujourd’hui. En 4 heures à peine, on couvre la distance qu’a parcouru le fictif Georges Nelson en plusieurs jours. Il faut dire qu’il a entrepris son terrible voyage en plein hiver, à cheval sur fin janvier et début février, alors que les tempêtes de neige se succèdent et effacent les traces des routes. Et lui ne disposait pas d’une voiture. Dans les années 1830 le moyen de transport le plus efficace était un traîneau tiré par un cheval.
Par ailleurs, il était courant que les femmes aient au moins 10 enfants et Elizabeth n’y déroge pas. On voit en toile de fond l’importance de la religion catholique chez les francophones et le pouvoir des anglophones : à l’époque les actes officiels sont rédigés en anglais et toute l’administration fonctionne en anglais. Kamouraska vaut aussi le détour pour la petite balade historique.

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11 réflexions au sujet de « Kamouraska, Anne Hébert »

  1. @ Magda : le thème de l’amour est universel, c’est peut-être pour ça que ça te parle. Et puis la façon dont c’est écrit est spéciale. Si tu es friande de monologues intérieurs, tu vas aimer Kamouraska.
    Je vis à Montréal.

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  2. @fanette : j’admets que Kamouraska peut comporter quelques temps morts, comme des pauses dans le récit. Mais je pense que l’intérêt du livre ne réside pas seulement dans l’histoire (qui ne casse pas trois pattes à un canard non plus : la jeune fille est amoureuse, elle se marie, son mari la trompe, elle est triste, elle rencontre un autre homme dont elle tombe amoureuse) mais plutôt dans la plongée dans les pensées d’Elizabeth d’Aulnières. Lire Kamouraska demande quand même une certaine attention. C’est ce qui m’a quelque peu dérouté au début, je pensais avoir affaire à un livre plus « grand public ».

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  3. Je suis en tarin de faire un mémoire à propos de l0évolution d’Anne Hébert et de la violence vers la femme qu’elle montre dans son oeuvre. Il serait bon si quelqu’un peut m’aider avec une critique à propos de ce sujet. Merci beaucoup.

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  4. Je suis en train de faire un mémoire à propos de l’évolution d’Anne Hébert et de la violence vers la femme qu’elle montre dans son oeuvre. Il serait bon si quelqu’un peut m’aider avec une critique à propos de ce sujet. Merci beaucoup.

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  5. En fait, le livre que j’ai plus aimé c’est Kamouraska car on voit la violence vers la femme d’une façon vraiment étonnante

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