Les frères Karamazov, Dostoïevski

Après les Bienveillantes et ses 900 pages, j’ai enchaîné avec la lecture d’un autre gros livre de 950 pages : Les Frères Karamazov de Dostoïevski. Il m’a fallu un certain temps avant d’en venir à bout !

Ce livre est assez dur à résumer. Les frères Karamazov est un roman complexe. Il ne raconte pas vraiment une histoire mais constitue un tableau de la vie en Russie à l’époque de l’écrivain. C’est d’ailleurs assez déstabilisant car je m’attendais à rentrer plus rapidement dans l’histoire. Il y a plusieurs livres dans ce roman et chacun possède son rythme propre. Il n’y a pas vraiment de début avec un événement particulier. On lit tout d’abord un portrait très complet de chacun des personnages, principalement les trois frères Karamazov et leur père. Ce dernier, Fédor Karamazov, est un vieux bouffon libertin qui a des visées sur les jeunes femmes de la petite ville où se déroule l’action du livre. Le fils aîné, né d’un premier mariage, s’appelle Dimitri. C’est un ancien soldat à qui l’argent file entre les mains et qui est un fêtard invétéré. C’est également un grand romantique qui cite Schiller par cœur. Les deux autres fils Karamazov ont pour mère la deuxième épouse de leur père. Le premier s’appelle Ivan est l’intellectuel de la famille. Profondément laïque, sinon anti-clérical, il a des opinions libérales sur le monde qui vont à l’encontre des traditions de la société russe. Aliocha est le plus jeune des frères. Il est très religieux au point de rentrer dans un monastère où il suit les enseignements d’un staret, un religieux d’expérience propre au christianisme orthodoxe. Aliocha est le plus mesuré des frères Karamazov. La première partie du livre consiste à présenter l’histoire de la famille Karamazov et à brosser le portait détaillé de chacun de ses membres. L’air de rien, Dostoïevski pose ainsi les bases et donne des indices sur la suite de l’histoire. L’événement qui vient bouleverser la vie de chacun est l’assassinat du père Karamazov et il intervient dans le troisième quart du livre. La dernière partie du roman est consacrée au procès de son meurtrier présumé, son fils aîné Dimitri. Un procès très médiatisé qui passionne la petite ville et retient l’attention dans le reste de la Russie.

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J’ai eu du mal à lire les frères Karamazov. On ne sait pas tout de suite quelle direction va prendre le roman. C’est une fois le livre refermé que celui-ci prend tout son sens. Les personnages principaux sont très contrastés et s’affrontent dans des joutes verbales incroyables. Dostoïevski va jusqu’à présenter des argumentaires d’une vingtaine de page pour exposer les idées de ses personnages. Il est parfois difficile de se concentrer pour suivre les subtilités des points de vue. C’est très dense. Les frères Karamazov n’est donc pas un roman à part entière. Le livre prend des airs d’essai philosophique et politique. Je suppose que le roman était à l’époque un bon moyen de contourner la censure pour présenter des opinions qui ne convenaient pas au pouvoir en place. Dostoïevski devait savoir à quoi s’en tenir, lui qui avait goûté au pénitencier en Sibérie pour avoir exprimé des idées un peu trop libérales pour son époque. L’auteur joue au chat et à la souris car aucun courant d’idée ne semble être favorisé plutôt qu’un autre dans le livre. La seule idée qu’on peut se faire des opinions de Dostoïevski résulte du sort qui est réservé à chacun des personnages à la fin du roman. En résumé, les frères Karamazov est un gros morceau, tant par son nombre de page que par sa complexité.

Ma note : 3/5.

18 réflexions au sujet de « Les frères Karamazov, Dostoïevski »

  1. Moi je suis à la page 850 des Frères Karamazov.C’est un pur régal. Je dirai quasiment orgasmique. C’est surement une description d’une Russie à l’image de ses personnages, oscillant entre deux abîmes. Cependant dans ces héros, je me retrouve, je m’identifie, comme si tous ces hommes Karamazov ne faisaient qu’un. Ils ne sont que des facettes de la complexité de chacun. Nous ne sommes que des mélanges d’Aliocha, Mitia, Ivan et de Fedor. Moi je l’accepte et le revendique. Ce livre mérite toute mon admiration et mon entousiasme. Le génie de Dostoïveski est concentré dans cette oeuvre. Merci, merci.

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  2. @ Ema : L’Idiot est avec le Double dans ma liste en ce qui concerne Dostoievski. S’ils sont aussi ardus que les frères Karamazov, ça promet !

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  3. plus que le nombre de pages ou de quantité..les remarques concernant « les frères Karamazov » doivent se focaliser sur « autre chose ». c’est difficil de donner un qualificatif à ce roman, présenté par Freud comme l’un des meilleurs romans jamais écrits, mais je dirais que ce grand chef d’oeuvre est inélgalable dans l’histoire de toute la littérature tant par sa forme que par son contenu. Sa complexité c’est à l’image de la vie et le génie de Dostoïevski appraît avec une telle force qu’on a du mal à accepter que les événements sont fictionnels, il faut un talent diabolique pour écrire qqc de pareil et uen force inhumaine. le 3/5 donné aussi comme note est assez « supportable » que dans la mesure qu’elle concerne la lecture comme activité pratique qui prend en considération la simplicité, le plaisir, l’accès facile de l’oeuvre et biensur nullement la valeur littéraire dont même les grands entre les grands ( Sartre, Camus mais aussi un certain Nietzsche) ont resté perplexes.

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  4. @ Joseph : merci de votre commentaire, il est en effet difficile de mettre des mots sur certains livres, en particulier ceux qu’on considère généralement comme des chefs d’œuvre. Or tous ces livres dont je parle on un point commun, je les ai lus. Ce qui signifie que j’essaie de dire ce que j’en pense, livre d’un grand auteur ou roman de gare. Implicitement je suis amené à les comparer au niveau du plaisir de la lecture. Le 3/5 peut paraître sévère mais il est le résultat d’une démarche honnête : les frères Karamazov est un livre difficile d’accès et ma lecture a été parfois laborieuse.
    D’ailleurs je n’ai pas vraiment de critères pour noter un livre. C’est juste le résultat d’un ressenti par rapport à sa lecture. Il se peut qu’à un moment donné, j’ai préféré un livre de Guillaume Musso à un livre de Faulkner. Et alors ? Je ne suis pas armé pour juger de la qualité littéraire de tous les livres qui me passent entre les mains. Et à quoi bon défoncer des portes ouvertes et dire que les frères Karamazov est un chef d’œuvre ? Je n’ai pas la prétention d’être un critique littéraire. Je m’attache plutôt à expliquer ce que j’ai retiré de la lecture d’un livre et comment il m’a touché (ou pas).
    Bon je ne sais pas si je suis plus clair ainsi mais je sentais le besoin de préciser ma démarche.

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  5. J’ai déjà lu Crime et châtiment de Dostoïevski. Et j’avoue que l’auteur est exceptionnel. Il demeure une des premières sources de bien des auteurs célèbres. Il inspire tout lecteur patient et passionné. Dostoïevski ne peut laisser indifférent à un esprit déjà avisé, libre et curieux. Impossible! Il reste un des meilleurs auteurs de tous les siècles. C’est mon avi pour rendre à César ce qui est à César. Beaucoup d’auteurs n’ont jamais révélé que Dostoïevski a été leur Pater Seraphicus, leur source d’inspiration, leur Muse si l’on veut…
    Je suis à la 300 ème page des Frères Karamazov et je l’ avoue, j’en ai déjà le souffle coupé, vraiment hors d’haleine. Il est devenu et c’est indéniable, un de mes auteurs préférés. Chaque lecture que je fais de ses oeuvres est une façon pour moi de lui rendre un vibrant hommage, tant son humanisme est grand, si noble et si généreux…ABS.

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  6. ce qui m’a aidé à lire Dostoïevski, c’est de m’apercevoir que c’était écrit comme du théâtre. très dialogué, sous forme de tableaux à apprécié en tant que tel : à imaginer comme sur une scène. les personnages se révèlent par ce qu’ils disent, par ce qu’ils se disent, parce qu’ils disent d’eux mêmes . Le narrateur n’est pas là pour nous expliquer ce qui se passe, il nous le montre, il nous fait entendre des voix, l’histoire se trame en soubassement de cet enchevêtrement de voix, à moi de les entendre, si je ne les comprends pas, je me laisse au moins bercer par elles, je les apprivoise petit à petit. car Dostoïevski est un grand maître, il a beaucoup de choses à nous dire.

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  7. Mon préféré, celui que j’ai acheté pour l’avoir près de moi et que je relis régulièrement, c’est l’Idiot. J’ai lu Crimes et châtiments, et les frères Karamazov, mais l’Idiot, ce fut une véritable révélation pour moi.
    Peut être parce que je me reconnais dans certains des personnages, et comprends leurs réactions et leurs états d’âmes plus que dans ses autres romans… En tous cas, si je ne devais en choisir qu’un de Dostoievsky, ce serait celui-là !

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  8. Lorsque l’on évoque Dostoïevski, l’on pense immédiatement à la douleur psychologique de Raskolnikov, si merveilleusement et subtilement décrite, dans « Crimes et Châtiment ».

    Avec « L’éternel Mari », nous découvrons une œuvre certes moins connue de l’auteur, mais à mon sens tout aussi riche et captivante : Autour des personnages clefs que sont le Mari, l’épouse, l’amant et la pseudo-fille, prend vie une déroutante allégorie, où l’indifférence se mêle à une fascination aussi troublante que vengeresse. Un ouvrage remarquable et sublimement écrit.

    Quant au prochain Dostoïevski que je dévorerai … Ce sera très probablement « Les Frères Karamazov »

    Jean-Christophe Destailleur

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    1. Je n’ai pas encore osé m’attaquer à ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale. Et à vrai dire, Dostoïevski me fait peur par sa complexité et son abondante production. C’est pourquoi, j’ai décidé de commencer par « La Logeuse » (voyez: http://www.litte-ratures.fr/la-logeuse-fedor-dostoevski/), un roman très court (141 pages, chez Babel) et quelle bonne surprise ! Je dois dire que j’ai été fascinée par les descriptions psychologiques si puissantes … Il y a peut-être déjà toute la force de Dostoïevski dans « La Logeuse »… Je vous le conseille. Bonne lecture !

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  9. Je sors des Karamazov (la traduction d’André Markowicz, Actes Sud). J’apprends que l’auteur songeait à donner une suite pour développer son personnage principal : Alexéï Karamazov. Le dernier de la famille, après avoir délaissé l’habit monacal, aurait pu devenir révolutionnaire.
    Voilà qui éclaire – à mon sens – l’inachevé des dernières pages de ce « gros » roman.
    J’encourage pour qui n’a rien encore lu de Dostoïeski de commencer par Le Joueur ou une oeuvre de dimension plus « digeste ». Les Frères Karamazov ? Un livre qui est à relire, une fois ne suffit sans doute pas.
    Recommandation : la page Facebook d’André Markowicz.
    Recommandation : Le Maître de Pétersbourg de J-M. Coetzze.

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